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Choux de Siam
7 février 2006

La dernière meilleure chance

Le dernier meilleur; la dernière meilleure; emploi d'un numéral avec le superlatif; anglicisme; calque de l'anglais; grammaire française; syntaxe du français.

  • L'équipe qui sera assermentée aujourd'hui inclut également une poignée de Québécois plus ou moins obscurs sur les frêles épaules desquels repose peut-être la dernière meilleure chance de réélection du gouvernement de Jean Charest et d'une accalmie prolongée sur le front référendaire. (Chantal Hébert.)

Si la dernière chance est meilleure que les précédentes, comment peut-elle être la dernière meilleure? La journaliste aurait-elle voulu changer d'adjectif et simplement oublié de supprimer celui qui devenait superflu? De toute façon, je rencontre souvent des tournures comme le quatrième meilleur, le dixième pays le plus développé, qui ne sont guère plus recommandables, ainsi que l'explique Camil Chouinard. Ces constructions avec un numéral sont fréquentes en anglais, mais en français il faut se souvenir que le meilleur, le plus élevé sont des superlatifs, et que ce qui est au quatrième ou au dixième rang ne saurait en même temps se trouver au premier.

Line Gingras

«L'éléphant dans le salon conservateur» : http://www.ledevoir.com/2006/02/06/101413.html?338

2 avril 2006

Refuser ou s'opposer à un compromis

Refuser ou s'opposer à; coordination de deux verbes n'ayant pas la même construction; grammaire française; syntaxe du français.

  • Faut-il refuser ou s'opposer à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas. (Gil Courtemanche.)

Comme le fait observer Grevisse dans Le bon usage (douzième édition, paragraphe 271, remarque 4), il est souhaitable, lorsque deux verbes coordonnés ont le même complément, qu'ils aient aussi la même construction. Or, le verbe refuser appelle un complément d'objet direct - on refuse un compromis, une solution -, alors que s'opposer se construit indirectement, avec la préposition à. Que faire dans ce cas?

En principe, on peut placer le ou les compléments après le premier verbe, et employer avec le second un pronom de rappel :

Faut-il refuser ce compromis et cette solution boiteuse, ou s'y opposer? Je ne le pense pas.

Cette façon de procéder ne convient pas ici, toutefois, parce que les deux verbes n'indiquent pas deux partis bien différents entre lesquels choisir, mais expriment plutôt l'hésitation de l'auteur, qui semble balancer entre deux quasi-synonymes; en les séparant, on insiste trop sur chacun des deux, alors qu'ils forment un tout. Il faudrait donc remplacer soit refuser, soit s'opposer par un équivalent qui se construise de la même façon que l'autre verbe (ça ne me paraît pas facile); ou encore ne garder que l'un des deux :

Faut-il s'opposer à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas.

À moins d'opter pour... :

Faut-il opposer un refus à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas.

Line Gingras

«Les défis de Préval» : http://www.ledevoir.com/2006/02/18/102377.html?338

19 septembre 2007

Sujet inversé

Sujet inversé; sujets inversés; accord du verbe avec le sujet inversé; grammaire française; orthographe.

  • Il a ajouté qu'il serait grand temps de connaître la date précise à laquelle se tiendra ce vote dont parle les conservateurs. (Lisa-Marie Gervais.)

Ce n'est pas le vote qui parle, mais les conservateurs : ... ce vote dont parlent les conservateurs.

  • Pour tirer leurs conclusions, les analystes ont mesuré l'âge auquel se produisait cinq «transitions»... (Même journaliste, autre article.)

Encore un sujet inversé : ... l'âge auquel se produisaient cinq «transitions»...

Line Gingras
Québec

«Fin de la mission canadienne en Afghanistan?» : http://www.ledevoir.com/2007/09/04/155498.html
«Majeurs, vaccinés, mais pas encore "adultes"» : http://www.ledevoir.com/2007/09/19/157437.html

22 juillet 2006

Nécessiter

Le sujet du verbe nécessiter; place de l'antécédent du pronom relatif; grammaire française; syntaxe du français.

  • À peine une quarantaine de personnes, qui n'avaient nulle part où aller, ont nécessité le soutien d'urgence offert par la Croix-Rouge, dont la moitié étaient en transit vers une autre ville du Canada. (Lisa-Marie Gervais.)

Non, ce n'était pas la moitié de la Croix-Rouge qui se trouvait en transit (et encore moins le soutien d'urgence), mais on le dirait à première vue; voilà pourquoi il est toujours souhaitable, afin d'éviter une ambiguïté même passagère, de placer le pronom relatif près de son antécédent.

Selon le Petit Robert et le Hanse-Blampain, le verbe nécessiter doit avoir pour sujet un nom de chose.

Je verrais plusieurs façons de se tirer d'embarras :

À peine une quarantaine de personnes, dont la moitié étaient en transit vers une autre ville du Canada, n'avaient nulle part où aller et ont eu recours au soutien d'urgence offert par la Croix-Rouge ou n'avaient nulle part où aller et ont eu besoin de l'aide d'urgence offerte par la Croix-Rouge.

À peine une quarantaine de personnes, dont la moitié étaient en transit vers une autre ville du Canada, ont eu recours au soutien d'urgence offert par la Croix-Rouge parce qu'elles n'avaient nulle part où aller ou ont eu besoin de l'aide d'urgence offerte...

À peine une quarantaine de personnes, qui n'avaient nulle part où aller, ont eu recours au soutien d'urgence offert par la Croix-Rouge ou ont eu besoin de l'aide d'urgence offerte par la Croix-Rouge; la moitié étaient en transit vers une autre ville du Canada.

Line Gingras

«Entre soulagement et frustration» : http://www.ledevoir.com/2006/07/22/114303.html

10 novembre 2007

La voie de + infinitif

La voie de + infinitif; la voie de + verbe à l'infinitif; syntaxe du français.

  • Ces motions de censure constituent en fait la voie normale pour l’opposition d’exprimer son désaccord. (Denis Lessard, dans La Presse.)

Dans la langue classique, le nom voie, utilisé au sens de moyen, pouvait être suivi d'un infinitif complément introduit par la préposition de :

Ses ennemis n'oubliaient rien pour lui ôter toutes les voies de se remettre bien avec son père. (Saint-Réal, dans le Lexis.)

Les dictionnaires généraux que j'ai consultés (Petit Robert, Lexis et Trésor de la langue française informatisé) ne reçoivent pas cet emploi dans la langue moderne; je ne le trouve pas non plus dans le Multidictionnaire ni dans le Hanse-Blampain. Le résultat que l'on recherche, auquel la voie choisie doit conduire, est plutôt indiqué par un nom complément :

Voie des découvertes, des honneurs, des richesses, de la sagesse, du progrès, de la civilisation. (Trésor.)

La phrase à l'étude pourrait se lire comme suit :

Ces motions de censure constituent en fait la voie normale par laquelle l'opposition peut exprimer son désaccord.

Ces motions de censure constituent en fait la façon normale, pour l'opposition, d'exprimer son désaccord.

Line Gingras
Québec

«Le coup de poker de Mario Dumont» : http://www.cyberpresse.ca/article/20071108/CPACTUALITES/71107241/5050/CPPRESSE

30 novembre 2007

Ils arrivent bon dernier

Ils arrivent bon dernier ou ils arrivent bons derniers; ils arrivent bon premier ou ils arrivent bons premiers; bon dernier; bon premier; gentilé; orthographe.

  • Les jeunes Québécois lisent de moins en moins bien [...] Et à l’échelle du Canada, ils arrivent bon dernier. (Ariane Lacoursière, dans La Presse.)

D'après ce que je vois dans le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, à l'article «bon», les deux éléments des expressions bon premier et bon dernier (celle-ci étant utilisée par ironie, selon le Trésor de la langue française informatisé) varient en genre et en nombre :

Elles se sont classées bonnes premières. (Multidictionnaire.)

Et à l'échelle du Canada, ils arrivent bons derniers.

* * * * *

  • Selon M. Martinez, cette statistique explique en grande partie les mauvais résultats des jeunes Québécois. L’étude du CIEAS révèle également que la lecture n’occupe pas une place de choix dans la vie des Québécois. Alors que 39 % des jeunes albertains possèdent plus de 100 livres à la maison...

Le gentilé («dénomination des habitants d'un lieu, relativement à ce lieu», d'après le Petit Robert) est un nom propre; il prend donc la majuscule : les jeunes Québécois, les jeunes Français, les jeunes Canadiens, les jeunes Albertains.

* * * * *

Lorsque j'ai lu cet article pour la première fois hier soir, j'y ai relevé aussi deux fautes d'accord du participe passé employé avec avoir, et une faute d'accord de l'adjectif possessif - trois fautes bêtes que je trouvais plutôt gênantes, comme il s'agit d'un texte sur les «habiletés de lecture». Depuis, il semble que les correcteurs soient passés par là (même s'ils n'ont pas tout vu), du moins pour la version Internet du journal. Mais un autre blogueur avait déjà signalé ces erreurs. Et l'adresse de l'article a changé...

Line Gingras
Québec

«Habiletés de lecture : les mots pèsent lourd au Québec» : http://www.cyberpresse.ca/article/20071130/CPACTUALITES/71129294/1019/CPACTUALITES/?utm_campaign=retention&utm_source=bulletin&utm_medium=email (nouvelle adresse)

http://www.cyberpresse.ca/article/20071129/CPACTUALITES/71129294/-1/CPACTUALITES (ancienne adresse; ne fonctionne plus)

8 décembre 2007

Matte ou mate?

Matte ou mate; orthographe.

  • ... une feuille de papier d'aluminium a deux faces : une brillante et une presque matte. (Fabien Deglise.)

Le contraire de brillante, c'est mate :

Peinture mate. (Petit Robert.)
Une couleur mate. (Hanse-Blampain.)

Line Gingras
Québec

«Quand maman Dion perd la boule... Magik» : http://www.ledevoir.com/2007/12/08/167711.html

15 décembre 2007

Accord du participe passé du verbe impersonnel

Verbe impersonnel - accord du participe passé; grammaire française; orthographe d'accord.

  • Elle a plutôt promis « une consultation d'envergure » pour l'automne. Consultation, il n'y a point eue. (Manon Cornellier.)

D'après le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, le participe passé du verbe impersonnel reste toujours invariable :

Les orages qu'il y a eu. (Hanse-Blampain.)
Les gouttes qu'il a plu ont mouillé la nappe. (Multidictionnaire.)

Line Gingras
Québec

« Un gouvernement en sous-traitance » : http://www.ledevoir.com/2007/12/05/167311.html
Nouvelle adresse : http://www.ledevoir.com/politique/canada/167311/un-gouvernement-en-sous-traitance

18 décembre 2007

Une Wallone, sa Wallonie

Wallone ou Wallonne; elle s'est attirée les huées; s'attirer quelque chose; accord du participe passé du verbe pronominal; grammaire française; orthographe.

  • «La Liégeoise, première Wallone à être élue miss Belgique depuis 2003, ne parle en effet pas le néerlandais.» (AFP, citant le quotidien flamand Het Laatste Nieuws.)

On écrit la Wallonie, mais une Wallonne, la culture wallonne.

* * * * *

  • La cérémonie se déroulait à Anvers, au cœur de la Flandre, et lorsque Mlle Poulicek a avoué ne pas comprendre une question posée en néerlandais, elle s'est attirée les huées des 4000 spectateurs présents.

Il arrive que le participe passé du verbe pronominal s'accorde avec le sujet; cet accord est toujours incorrect, cependant, lorsque le verbe a un complément d'objet direct qui n'est pas le pronom réfléchi, comme dans la phrase à l'étude : elle a attiré quoi? les huées. Le complément d'objet direct étant placé après le verbe, le participe passé doit rester invariable. On écrirait toutefois : Les huées qu'elle s'est attirées...

Le pronom réfléchi, s',est complément d'objet indirect : elle a attiré les huées à elle-même.

* * * * *

«Le quotidien constaste que...»

Line Gingras
Québec

«À peine élue, la nouvelle Miss Belgique sème la controverse» : http://www.cyberpresse.ca/article/20071217/CPINSOLITE/712170990/-1/CPINSOLITE

21 décembre 2007

N'est ou n'ait?

  • ... il est pour le moins étonnant que ce contrat n'est donné lieu à aucune facture... (Patrice Roy.)

Ce contrat n'a donné lieu à aucune facture. Il est pour le moins étonnant qu'il n'ait donné lieu à aucune facture.

Personne n'est à l'abri d'une faute bête comme celle-là. Raison de plus pour se relire.

Line Gingras
Québec

«Brian Mulroney» : http://www1.radio-canada.ca/nouvelles/Carnets/carnet.asp?numero=95057&auteur=2058&type=texte&niveau=3

27 décembre 2007

S'acquitter de + infinitif

S'acquitter de + infinitif; s'acquitter de + verbe à l'infinitif; s'acquitter de faire quelque chose; syntaxe.

  • ... et même Marcel Tremblay, le frère du bon maire Tremblay, humoriste à ses heures, qui s'est acquitté tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement. Une idée originale. (Lise Payette.)

D'après les exemples que je trouve dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, s'acquitter de appelle toujours un nom ou un pronom complément, jamais un verbe à l'infinitif : on s'acquitte d'une dette, d'un devoir, de ses fonctions, d'une mission, de ses obligations, de ses engagements, de sa promesse, de ce qu'on doit, d'un emprunt, d'une somme, d'une commission, d'un emploi, d'un office, d'une tâche.

Ces pauvres bougres viennent de s'acquitter de l'impôt. (Gide, dans le Trésor.)

... il était facile de voir qu'il s'acquittait de cette visite comme d'un devoir indispensable... (Delécluze, dans le Trésor.)

Pourtant, monter à cheval est peut-être la seule chose au monde dont je m'acquitte bien. (Stendhal, dans le Trésor. [Je m'acquitte bien de quoi? d'une chose.])

Je suggérerais :

... qui s'est chargé tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement.

Line Gingras
Québec

«Zone de turbulences en vue» : http://www.ledevoir.com/2007/12/28/170120.html

30 décembre 2007

Soi? Soit

Soi ou soit; orthographe; grammaire; homonymes.

  • Et puis, si je me fie à RDI, tout le monde est soi en magasinage [...] ou sur les pentes de ski… (Patrick Lagacé.)

Tout le monde est soi-même en magasinage? Sans doute, mais le journaliste a plutôt voulu dire «ou bien». S'il s'était relu attentivement, il aurait écrit :

... tout le monde est soit en magasinage [...] ou sur les pentes de ski...

Line Gingras
Québec

«Quelques miettes de vacances» : http://blogues.cyberpresse.ca/lagace/?p=70720764

4 janvier 2008

Blanc de mémoire

Blanc de mémoire; blank; memory blank; anglicisme; calque de l'anglais.

  • Pour ma mère, des pans de l'histoire ont disparu, l'encre s'est effacée. Le verglas n'est plus qu'un blanc de mémoire. (Michèle Ouimet, dans La Presse. La journaliste fait allusion à la «crise du verglas» de janvier 1998.)

Ce blanc de mémoire est assez évocateur des visions de glace, d'une beauté terrifiante, qui m'ont assaillie dans les rues d'Ottawa lorsque, la tempête enfin terminée (je fais partie des privilégiés qui n'ont pas manqué d'électricité), je suis sortie retrouver des amis, dans le silence du centre-ville que rompaient des craquements de branches. Cependant, le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais donnent cette expression pour le calque de memory blank; jeune traductrice, j'ai appris à l'éviter; et l'on voit plusieurs condamnations dans Internet.

Le Petit Robert (2007) reçoit blanc, il est vrai, au sens de trou de mémoire, à titre de régionalisme utilisé au Canada et en Suisse. Mais je ne peux que déconseiller cet emploi - comme celui de blanc de mémoire, à l'extérieur du contexte très particulier où il se rencontre ici.

Line Gingras
Québec

«La tribu» : http://www.cyberpresse.ca/article/20080104/CPOPINIONS05/801040704/6741/CPOPINIONS

9 janvier 2008

Élu pour un terme

Terme ou mandat; term of office; anglicisme; calque de l'anglais.

  • À leurs yeux, le grand avantage du mode de scrutin actuel est l'alternance qui garantit aux deux grands partis de se partager le pouvoir après deux termes. C'est ce qui a fait que le gouvernement péquiste de Bernard Landry puis celui de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger. (Bernard Descôteaux.)

Pour rendre l'idée de durée, à propos d'une fonction que l'on confie à quelqu'un, on emploie en anglais le mot term ou l'expression term of office. En français, d'après le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais, on ne parle pas d'un terme, mais d'un mandat :

Les électeurs de la circonscription ont réélu leur député pour un troisième mandat. (Dagenais.)

* * * * *

Jean Charest n'a jamais dirigé de gouvernement péquiste, bien que la construction de la deuxième phrase de monsieur Descôteaux laisse entendre le contraire. Je verrais deux formulations possibles :

C'est ce qui a fait que le gouvernement de Bernard Landry puis celui de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger.

C'est ce qui a fait que le gouvernement péquiste de Bernard Landry puis le gouvernement libéral de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger.

Line Gingras
Québec

«De quoi a-t-on peur?» : http://www.ledevoir.com/2008/01/03/170536.html

8 mars 2006

Ni fleurs ni couronnes - Il y a amendes et amandes

Amende; amande; homonymes; orthographe.

  • La combinaison d'aliments permettant de réduire le LDL comptait des amendes, des protéines de soya, de la margarine à haute teneur en stérol végétal, et des fibres «collantes» qu'on retrouve dans le son d'avoine, l'okra, l'orge et l'aubergine. (PC.)

Pardonnez ma franchise un peu brutale, mais cet ingrédient coûteux ne vaut rien pour les artères. Contre le mauvais cholestérol, essayez plutôt les amandes.

«Pour mieux combattre le cholestérol» : http://www.ledevoir.com/2006/03/08/103854.html

10 mars 2006

L'apposition et la virgule

Apposition détachée; virgule; ponctuation; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le cardinal de Montréal   Jean-Claude Turcotte   s'est porté à la défense de l'Église hier en lançant un appel au dialogue et à la réflexion aux 19 prêtres dissidents qui ont récemment signé une lettre dénonçant la position du Vatican sur l'homosexualité au sein du clergé. (Alexandre Shields.)

On écrirait, au début d'un article, que le cardinal Jean-Claude Turcotte s'est porté à la défense de l'Église..., sans utiliser de virgules : le cardinal et Jean-Claude Turcotte sont bien une seule et même personne - et la juxtaposition de ces deux termes constitue donc une apposition -, mais, comme il y a plus d'un cardinal et que le contexte n'est pas encore établi, le nom propre apporte une précision essentielle au sens de la phrase.

Cependant, une seule personne possède le titre de cardinal de Montréal; lorsqu'on emploie cette expression, l'indication du nom de l'intéressé est une précision utile, mais accessoire. En pareil cas, l'apposition est dite détachée, et doit être mise entre virgules :

Le cardinal de Montréal, Jean-Claude Turcotte, s'est porté à la défense de l'Église...

Line Gingras

«Homosexualité : Mgr Turcotte veut discuter avec les prêtres dissidents» : http://www.ledevoir.com/2006/03/10/104053.html

14 mars 2006

Autant ou autant que?

Autant; autant que; relation d'égalité; comparaison; grammaire française; syntaxe du français; construction de la phrase; structure de la phrase.

  • Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie,    des spécialistes de l'éducation et des parents, ne servira qu'à peu de choses si on ne prend pas le temps d'aborder le problème de front avec les intéressés eux-mêmes, les jeunes. (Bruno Guglielminetti.)

Une lecture un peu attentive le fait bien sentir, que la première moitié de cette phrase se termine en déséquilibre, comme perchée sur une patte : c'est qu'on a voulu marquer «une relation d'égalité entre deux termes de comparaison», comme l'explique le Petit Robert, mais qu'on a oublié de compléter autant par le deuxième élément de l'expression, la conjonction que.

De fait, il me semble qu'on a le choix ici entre trois tournures; les deux premières conservent l'idée d'insistance, mais ne répartissent pas de la même manière les catégories de personnes qui constituent les termes de la comparaison :

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie et des spécialistes de l'éducation que des parents...

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie que des spécialistes de l'éducation et des parents...

La troisième abandonne toute idée de comparaison ou d'insistance, et ne présente plus qu'une énumération :

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé        auprès des professionnels de l'industriedes spécialistes de l'éducation et des parents...

Les trois constructions se valent, mais l'éclairage est différent.

Line Gingras

«Technologie : L'outrage numérisé» : http://www.ledevoir.com/2006/03/13/104185.html

23 décembre 2005

Ni fleurs ni couronnes - À Pâque ou à Pâques

Pâque ou Pâques; Pâque ou la Pâque; article devant Pâque; déterminant devant Pâque; majuscule ou minuscule à Pâque; peut-être ou peut être; genre de personne; pronom de remplacement.

Je sais bien que nous arrivons à Noël (le contraire tiendrait du miracle), mais je vais vous parler de Pâques; l'Étoile sera bientôt à Bethléem, mais nous allons à Jérusalem :

  • Les grandes fêtes religieuses ne sont pas nécessairement plus propices à l'éclosion de nouvelles Marie-Madeleine ou de réincarnations du Christ, selon le Dr Katz, qui ne sera donc pas davantage sur le pied d'alerte ce week-end de Noël, pas plus qu'à Pâque ou à Pâques. (Stéphane Baillargeon.)

Lorsque j'étais enfant, on nous apprenait que notre fête de Pâques à nous, chrétiens, prenait une majuscule et un "s", mais pas d'article : Il reviendra-z-à Pâques...; on nous disait aussi qu'il fallait écrire la pâque pour désigner la fête juive - avec une minuscule, et sans oublier l'article défini.

Le Multidictionnaire donne toujours cette règle, en ce qui concerne la minuscule initiale; toutefois, d'après le Petit Robert, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé, il est admis aujourd'hui d'écrire la Pâque, avec la majuscule donc; dans tous les exemples que j'ai vus, le nom demeure précédé d'un article ou d'un autre déterminant.

***************

Dans le même texte :

Cette forme du syndrome peut-être traitée assez facilement, parfois avec l'aide d'une légère médication.

[...] une personne obsédée par la Dernière Cène et qui cherchait une douzaine de convives de façon obsessionnelle...

L'autre sous-type [du syndrome] frappe des personnes souffrant de maladie mentale. Le but de leur voyage à Jérusalem est directement lié à leur état mental. Ils se prennent souvent pour un personnage biblique [...]

Cette dernière faute est très fréquente; attention au genre du pronom de remplacement!

"Un étrange syndrome affecte certains touristes à Jérusalem - Les aliénés de Dieu" : http://www.ledevoir.com/2005/12/23/98412.html

1 avril 2006

Des regards suspects

Suspect ou soupçonneux, suspicieux; suspicious; impropriété; usage; langue française.

  • Le pays était sous le choc de ces jeunes kamikazes palestiniens qui venaient se faire sauter par un après-midi ensoleillé dans un restaurant, un autobus ou un supermarché. Les habitants de Jérusalem marchaient dans les rues en jetant des regards suspects derrière eux. (Christian Rioux.)

D'après le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, suspect se dit d'une personne ou d'une chose qui éveille les soupçons, la méfiance; dont la qualité est douteuse :

Témoignage suspect. Une voiture suspecte. (Petit Robert.)

Un vin suspect. De la viande suspecte. (Lexis.)

Toute pensée non conforme devient suspecte et est aussitôt dénoncée. (Gide, dans le Petit Robert.)

Le fort [...] doit garder le fossé sud et ses abords. Toute ombre qui s'approche est suspecte. (Bordeaux, dans le Trésor.)

Un homme qui arpente les rues après dîner sous prétexte de prendre le frais, c'est suspect. On en a flanqué en prison pour moins que ça. (Aymé, dans le Trésor.)

Le choix de cet adjectif, dans la phrase à l'étude, était donc inapproprié. Au sens de «qui révèle le soupçon, la méfiance», c'est soupçonneux (ou suspicieux, que le Trésor donne toutefois pour littéraire et péjoratif) qu'il faut employer :

L'hercule lui jette un coup d'oeil soupçonneux. (Adamov, dans le Lexis.)

Mes collaborateurs commencent à me regarder d'une manière soupçonneuse, d'une manière inamicale. (Duhamel, dans le Trésor.)

Mes démêlés avec la police et l'attitude suspicieuse de mon voisinage m'avaient rendu craintif... (Aymé, dans le Trésor.)

Bien entendu, on peut utiliser aussi méfiant :

Ce petit groupe de l'hôtel de Balbec regardait d'un air méfiant chaque nouveau venu... (Proust, dans le Trésor.)

La confusion viendrait-elle de ce que l'anglais suspicious a les deux significations?

Line Gingras

«Des nouvelles de Jérusalem» : http://www.ledevoir.com/2006/03/31/105671.html?338

7 avril 2006

De toute pièce

De toutes pièces; de toute pièce; orthographe d'usage.

  • ... il veut maintenant construire de toute pièce en Floride une ville gouvernée en stricte conformité avec le dogme catholique... (Guy Taillefer.)
  • ... en l'espace de 15 semaines, monter de toute pièce un spectacle de marionnettes... (Marie-Andrée Chouinard.)

D'après les neuf ouvrages que j'ai consultés - dictionnaires généraux et ouvrages de difficultés -, la locution adverbiale de toutes pièces s'écrit toujours au pluriel :

Si l'auteur d'un livre créait de toutes pièces l'histoire qu'il raconte, elle n'aurait de sens pour personne d'autre. (Quignard, dans le Petit Robert.)

Il s'était donc créé de toutes pièces une vie de complications et de drames. (Camus, dans le Colin.)

Il vit dans un univers irréel que son imagination mystique a créé de toutes pièces. (Martin du Gard, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Line Gingras

«Prier avec le pape de la pizza» : http://www.ledevoir.com/2006/04/06/106185.html
«Des marionnettes pour crier sa douleur» : http://www.ledevoir.com/2006/04/07/106319.html

8 avril 2006

Talon d'Achille

Talon d'Achille; talons d'Achille; usage.

  • Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a essuyé pour la première fois hier les tirs croisés de l'opposition lors de la période de questions. Et c'est son talon d'Achille le plus évident que les partis ont visé : l'environnement. (Alec Castonguay.)

La mère d'Achille, m'apprend le Petit Robert des noms propres, afin de rendre son fils immortel, le plongea dans les eaux du Styx en le tenant par le talon, qui resta le seul endroit vulnérable de son corps.

Tout être d'exception a son talon d'Achille. La perfection n'étant pas de ce monde, le gouvernement de M. Harper aimerait sans doute se trouver dans ce cas; le journaliste laisse toutefois entendre qu'il a plus d'un point faible, que ses adversaires finiront bien par découvrir.

Line Gingras

«Ottawa abandonnerait plusieurs programmes environnementaux» : http://www.ledevoir.com/2006/04/07/106283.html

13 avril 2006

Décrier un problème

Décrié; décrier; un problème décrié; décrier un problème; québécois et canadien; impropriété; usage.

  • Le CPI [Conseil des partenaires pour l'innovation] avait demandé en février que le gouvernement, dès juin 2006, commence à régler ce problème tant décrié. (Antoine Robitaille.)

Décrier quelqu'un, d'après le Trésor de la langue française informatisé, c'est nuire à sa réputation, «lui faire perdre son autorité morale» :

Un air de libertinage qui les décrie auprès des personnes raisonnables. (Sainte-Beuve, dans le Petit Robert.)

Toujours selon le Trésor, décrier une chose, c'est mettre en doute sa valeur :

Chacun de ces Hippocrates criait que son élixir était le seul qui fût bon, et décriait les autres. (Rolland, dans le Trésor.)

Le participe passé et adjectif décrié a des emplois correspondants; il signifie «contesté, critiqué» (Petit Robert), «qui a mauvaise réputation, qui n'inspire plus/pas confiance» (Trésor) :

[Zola] décrié injustement par ceux qui ne l'ont jamais lu. (Duhamel, dans le Petit Robert.)

Un livre jadis admiré, aujourd'hui exagérément décrié. (Lexis.)

Une opinion publique s'est formée, favorable à l'emploi d'un combustible [le charbon] longtemps décrié. (Schneider, dans le Trésor.)

Il me semble donc qu'on ne saurait l'utiliser à propos d'un problème, en particulier d'un problème reconnu comme celui dont il est question, soit le sous-financement des universités. Je pense plutôt que le journaliste a voulu parler, ici, d'un problème tant de fois signalé, si souvent dénoncé, ou peut-être même criant...

* * * * *

  • ... les droits de scolarité gelés au Québec depuis trop longtemps, ce qui crée, disent-ils, des «problèmes de financement structurels» et creuse de plus en plus un écart inquiétant entre les universités québécoises et canadiennes.

Tant que le Québec fait partie du Canada, ses universités comptent parmi les établissements canadiens; il aurait fallu écrire, par conséquent :

... entre les universités québécoises et les autres universités canadiennes.

* * * * *

  • La directrice de cabinet, Isabelle Perras, souligne que le MDEIE [ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation] a vu son budget augmenter, dont 19% d'augmentation en innovation et en recherche.

Le pronom relatif dont ne se rattache à rien, il n'a pas d'antécédent; on ne peut donc pas se contenter de supprimer d'augmentation. Quelques possibilités de reformulation :

... a vu son budget augmenter - au chapitre de l'innovation et de la recherche, par exemple, où la hausse a été de 19%.

... a vu son budget augmenter : ainsi, au chapitre de l'innovation et de la recherche, on a enregistré une hausse de 19%.

Line Gingras

«Fronde anti-Charest dans le milieu de la recherche» : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/ledevoirredir.cgi?http://www.ledevoir.com/2006/04/12/106606.html

15 avril 2006

Cela étant dit, cela étant, cela dit, ceci dit

Ceci dit, cela dit; cela étant, cela étant dit, ceci étant, ceci étant dit; usage.

  • Bien sûr, le Bloc québécois, comme le Parti québécois, a le devoir de défendre les intérêts du Québec et donc d'éliminer le déséquilibre fiscal, qui risque de se transformer en déséquilibre social. Cela étant dit, éliminer le déséquilibre fiscal, ce n'est pas évacuer la souveraineté. (Gilles Duceppe.)

Je vois souvent, dans le journal, les expressions cela étant dit ou cela étant, là où j'attendrais cela dit. Cette fois-ci je vais tâcher d'en avoir le coeur net : ces trois tours sont-ils admis dans les dictionnaires? Et dans quelle mesure ceci concurrence-t-il cela?

Sur les treize ouvrages consultés, aux articles « ceci » et « cela », neuf abordent la question; un seul (le Trésor de la langue française informatisé) reçoit explicitement les expressions cela étant, cela étant dit, ceci étant dit; les autres ne mentionnent que cela dit et ceci dit. Il semble donc que toutes ces expressions doivent être tenues pour correctes (j'inclurais ceci étant), mais que cela dit et ceci dit soient à préférer :

Cela dit, le problème subsiste. (Petit Robert.)

Cela dit, il faut bien constater que... (Thomas.)

Ceci dit, la solution proposée comporte de nombreux avantages. (Multidictionnaire.)

Martin, je te félicite de ton exactitude. Ceci dit, passe-moi la valise. (Romains, dans le Trésor.)

Certains auteurs, il est vrai, recommandent d'éviter ceci dit, étant donné que ceci, en principe, « annonce ce qui va venir » (Chouinard); cette locution, d'après ce que je peux voir dans le Petit Robert, le Hanse-Blampain, le Multidictionnaire, le Chouinard et le Trésor, est cependant passée dans l'usage. Selon Marie-Éva de Villers, elle est synonyme de cela dit et les deux peuvent s'utiliser, même si la dernière « est aujourd'hui la plus fréquemment employée ». Hanse et Blampain font observer qu'en général, « cela tend à l'emporter nettement sur ceci en dehors des cas où il y a opposition »; ils ajoutent pourtant que « cela dit est souvent remplacé par ceci dit ».

Faut-il comprendre que ceci dit, à leur avis, et contrairement à ce qu'estime Marie-Éva de Villers, serait la plus courante des deux expressions? C'est en tout cas l'opinion des rédacteurs du Trésor, mais les premiers volumes de cet ouvrage monumental ont paru en 1971...; les choses ont pu changer depuis. Une petite recherche au moyen de google.ca donne 3 920 000 occurrences pour ceci dit, et 4 410 000 pour cela dit.

Les deux tours sont donc très communs; mais je continuerai pour ma part, ne serait-ce que pour l'euphonie, d'employer cela dit*.

Line Gingras

* Précision apportée le 10 janvier 2013 : À propos d'un autre billet, Marc81 me fait le commentaire suivant : « Peut-être pourriez-vous ajouter en guise d'information, dans ledit billet de 2006, l'avis de l'Académie française : "Cela dit, il quitta la séance. • En ce dernier sens, on évitera d'employer Ceci dit, qui se répand fâcheusement aujourd'hui" (9e édition de son Dictionnaire). Par ailleurs, l'Académie enregistre "Cela dit, cela étant". »

« "Être ou ne pas être" » : http://www.ledevoir.com/2006/04/14/106764.html

20 avril 2006

C'est prévu lundi

Prévoir + indication de la date; prévoir + indication du jour; prévu + indication de la date; prévu + indication du jour; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le passage au format tabloïd du quotidien Le Soleil, qui est prévu lundi prochain, est actuellement remis en question. (Paul Cauchon.)

Faut-il dire qui est prévu lundi ou qui est prévu pour lundi?

Je n'ai trouvé qu'un exemple, dans les onze ouvrages consultés, où le verbe prévoir est employé avec l'indication de la date à laquelle un événement doit avoir lieu :

La réunion est prévue pour la semaine prochaine. (Hanse et Blampain.)

Line Gingras

«Le Soleil en eaux troubles» : http://www.ledevoir.com/2006/04/19/107064.html

6 mai 2006

Ni fleurs ni couronnes - La société est qui se montre rigide?

  • Christian Dufour, lui, formule l'hypothèse que la société française est «cassante et cassable», c'est-à-dire qui se montre rigide quant à l'application de certaines normes mais qui, en même temps, ne change qu'en «cassant». (Antoine Robitaille.)

En théorie, on peut très bien utiliser une subordonnée relative comme qui se montre rigide... afin de définir un adjectif, à la façon d'un dictionnaire, mais je me serais attendue plutôt, ici, à l'explication de ce que signifie l'hypothèse formulée par monsieur Dufour, que la société française est «cassante et cassable» :

... c'est-à-dire qu'elle se montre rigide quant à l'application de certaines normes, et qu'elle ne change qu'en «cassant».

Line Gingras

«Amère mère patrie» : http://www.ledevoir.com/2006/04/22/107391.html

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