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Choux de Siam
8 mai 2021

Attention au sujet inversé

  • Washington a de son côté annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête sur la police de Minneapolis, alors qu’est déjà soumis au Congrès l’étude d’un important projet de loi intitulé « George Floyd Justice in Policing Act ».
    (Guy Taillefer, dans Le Devoir du 22 avril 2021.)

Dans la phrase ci-dessus, c'est l'étude (d'un important projet de loi) qui est soumise au Congrès. On pouvait écrire, suivant l'idée précise à exprimer :

Washington a de son côté annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête sur la police de Minneapolis, alors qu’est déjà soumise* au Congrès l’étude d’un important projet de loi intitulé « George Floyd Justice in Policing Act ».

Washington a de son côté annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête sur la police de Minneapolis, alors qu’est déjà soumis au Congrès l’étude d’un important projet de loi intitulé « George Floyd Justice in Policing Act ».

Line Gingras
Québec

* Le 10 mai, je constate que la correction a été apportée.

« À Minneapolis, un verdict phare » : https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/599223/proces-chauvin-justice-rendue-justice-a-faire?utm_source=infolettre-2021-04-22&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne

8 avril 2020

Les tous petits ou les tout-petits?

Les tous petits ou les tout-petits; orthographe.

  • Pour les tous petits, les Centres de la petite enfance (CPE), les garderies et les services de garde en milieu familial seront ouverts [...]
    (Michel Saba, PC, dans le site du Soleil, le 15 mars 2020.)

Il faudrait lire les tout-petits. (Voir par exemple le Petit Robert.) On écrirait cependant :

Pour tous les petits...

Ils sont tous petits. (Ils le sont tous.)

Ils sont tout petits. (Ils sont très petits.)

J'ajouterai enfin, la tentation étant trop forte :

Ils sont tous tout petits, ces tout-petits!

Line Gingras
Québec

« COVID-19 : Québec offrira des services de garde d'urgence dès lundi » : https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19-quebec-offrira-des-services-de-garde-durgence-des-lundi-bfd0fe88394e2f5c949b9abc4d20b60b?utm_source=omerlo&utm_medium=mailer&utm_campaign=Le+r%C3%A9sum%C3%A9+du+soir%3A+%C3%A9dition+sp%C3%A9ciale+COVID-19+du+dimanche+15+mars

27 juillet 2006

Parties participantes

  • Bref, les trois parties participantes à cet exercice de rapprochement en fin de semaine, soit l'Union européenne, les États-Unis et les économies émergentes, se sont accusées mutuellement de l'échec de cette rencontre à Genève. (Claude Turcotte.)

Bref, les trois parties à cet exercice...
Bref, les trois participants à cet exercice
[...] se sont accusés...

  • En revanche, pour les Américains, la responsabilité de l'impasse se trouve chez les partenaires qui ont cherché à protéger toute une série de produits agricoles sensibles de la baisse des droits de douane agricoles.

L'adjectif agricoles n'a pas à figurer deux fois.

  • Cette impasse est peut-être, selon lui, une bonne occasion de repenser tout le processus, et on pourrait en arriver à penser que le modèle canadien de la gestion de l'offre serait une bonne solution.

... une bonne occasion de revoir tout le processus...

  • Il a souligné que les pays membres de l'OMC sont soumis à des facteurs politiques dans chacun de leur_ pays.

... des facteurs politiques intérieurs.

Line Gingras

«OMC : la libéralisation du commerce mondial compromise» : http://www.ledevoir.com/2006/07/25/114442.html

17 août 2006

Les divergences de vue

Divergences de vue ou divergences de vues; divergence de vue ou divergence de vues; orthographe.

  • Une fois obtenu d'Ottawa l'engagement de redresser la situation, l'étape suivante consistait pour les provinces à définir une position commune en vue des négociations devant avoir lieu cet automne. Les divergences de vue_ sont alors vite apparues. (Bernard Descôteaux.)

Il fallait le pluriel : divergences de vues ou, pour éviter la répétition, divergences d'idées, divergences d'opinions. Dans le Petit Robert, à l'article «divergence», je trouve Divergence d'idées, d'opinions, de vues.

Line Gingras

«Chacun pour soi» : http://www.ledevoir.com/2006/07/29/114777.html

12 septembre 2005

On estime que les estimations...

"Quinze jours après le passage du cyclone Katrina, les responsables des secours ont estimé hier que le bilan des morts pourrait être nettement inférieur aux premières estimations", peut-on lire dans une dépêche.

J'estime pour ma part que cette phrase n'aurait pas trop souffert d'une relecture, et je m'interroge sur ce qu'on nous présente comme "premières estimations".

Alors que la semaine dernière on avançait le chiffre de 10 000 morts, aujourd'hui on nous annonce, ah! la bonne nouvelle, que le total provisoire s'établirait à un peu moins de 400. Réjouissons-nous donc, la situation n'est pas si mauvaise après tout : l'incompétence des autorités américaines aura été moins meurtrière, dans ce cas-ci, que le terrorisme international.

Ah! l'émotivité, les petites erreurs que ça fait commettre. Au lendemain du 11 septembre 2001, si ma mémoire est fidèle, on avançait prudemment le chiffre de 6000 morts, soit le double du nombre réel de victimes; après le passage de Katrina, il semble qu'on ait multiplié par 25 - faut croire que le maire de La Nouvelle-Orléans est quelqu'un de bien impressionnable.

Cette hypersensibilité, si efficace pour préparer les esprits, ne doit pas déplaire à monsieur Bush et à ses conseillers.

Line Gingras

L'article en question : http://www.ledevoir.com/2005/09/12/90208.html

18 septembre 2005

Approcher la quarantaine

Approcher, approcher de; approcher tel âge; approcher de tel âge; approcher de + complément d'objet indirect; grammaire française; syntaxe du français.

Parmi la neuvaine de candidats à la direction du Parti québécois, l'ancien ministre André Boisclair, possesseur - si je puis en faire la remarque sans que l'on y voie une dépréciation de ses qualités intellectuelles - d'un visage dont l'agrément est un baume pour les yeux fatigués.

Que voulez-vous, je suis comme ça, moi : j'aime les jeux de mots faciles (les autres me passent sous le nez en se précipitant dans les bras des esprits fins) et ne m'intéresse aux idées des politiciens que pour m'y opposer, avec une vigueur aussi sincère que systématique. Deux traits auxquels on reconnaît un véritable rhinocéros femelle de stricte obédience, les amis.

Donc, monsieur Boisclair. À propos de qui Le Devoir m'apprenait cette fin de semaine que jadis il a mené joyeuse vie. Mais ses "écarts de conduite" étaient attribuables à la jeunesse, explique le candidat :

  • J'approche la quarantaine aujourd'hui.

L'âge de la sagesse.

Je ne voudrais pas en faire un fromage, étant donné qu'il s'agit d'une déclaration orale et que les produits laitiers contiennent des gras trans, mauvais pour la santé, mais je désirerais quand même signaler, à toutes fins utiles, que le verbe est construit de façon incorrecte ici : au sens d'"être près, sur le point d'atteindre", approcher appelle un complément d'objet indirect. (Vérifié dans le Petit Robert, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain.)

Monsieur Boisclair approche de la quarantaine. Évidemment que je suis jalouse.

Line Gingras

"Sa vie de fêtard vient hanter Boisclair" : http://www.ledevoir.com/2005/09/17/90616.html
Photo et notes biographiques : http://www.assnat.qc.ca/fra/Membres/notices/b/boia1.shtml

29 septembre 2005

Plusieurs d'entre nous

Plusieurs d'entre nous; plusieurs d'entre vous; beaucoup d'entre nous; beaucoup d'entre vous; plusieurs et beaucoup; expression de quantité + d'entre nous; expression de quantité + d'entre vous; accord du verbe; personne du verbe.

  • Plusieurs d'entre nous n'avons pas la chance...

Décevant, le discours d'installation prononcé le mardi 27 septembre par Michaëlle Jean, notre nouvelle gouverneure générale?

Rempli de bonnes intentions, comme il se doit. Et rassurant pour le Canada anglais, ainsi que me le faisait observer un ami : il n'y a plus au Canada "deux solitudes", mais des solitudes multiples, apparemment, dont il s'agit de "briser le spectre". Si madame Jean faisait de la politique, je dirais qu'elle se montre plus royaliste que le roi en niant, ou en ayant l'air de nier, l'existence du Québec comme société distincte.

Il reste que ce discours, je l'ai trouvé bien écrit; or, pour moi, le respect du fait français au Canada doit s'exprimer avant tout par le respect du français.

Je me suis cependant interrogée devant le passage cité plus haut : à quelle personne fait-on l'accord du verbe, lorsque le sujet est une expression de quantité complétée par d'entre nous ou d'entre vous?

Au paragraphe 899 du Bon usage (douzième édition), je lis : "Lorsque le sujet est une expression de quantité comme la plupart, un grand nombre, beaucoup, plusieurs, certains, quelques-uns, combien, trop, etc., ayant pour complément l'un des pronoms nous, vous, le verbe se met presque toujours à la 3e personne du pluriel." (C'est moi qui souligne.)

Hanse et Blampain, dans le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne (quatrième édition), proposent les exemples suivants :

La plupart d'entre nous en ont fait l'expérience.
Trois d'entre vous resteront.
Nombre d'entre vous s'en réjouiront.
Beaucoup d'entre nous regretteront ce départ.

Ils ajoutent, précision importante à mon avis : "Dans ce dernier cas, l'accord avec nous permet de marquer qu'on se met dans le nombre : Beaucoup d'entre nous l'avons regretté. Un tel accord n'est pas courant; il est très rare avec vous." (C'est moi qui souligne.)

Que disait madame Jean, déjà?

  • Notre pays est si vaste et si riche dans ses coloris et ses accents. Plusieurs d'entre nous n'avons pas la chance d'en mesurer l'étendue. Je sais combien je suis privilégiée.

Il est clair que si la gouverneure générale est incluse dans le nous qui désigne l'ensemble des Canadiens, elle ne se met pas dans le nombre de ceux qui n'ont pas la chance de mesurer l'étendue du Canada.

L'accord du verbe à la troisième personne du pluriel s'imposait donc :

Plusieurs d'entre nous n'ont pas la chance d'en mesurer l'étendue.

J'allais oublier de vous signaler une petite chose, à propos de plusieurs : cet adjectif ou pronom indéfini pluriel, selon Hanse et Blampain, "indique un nombre peu élevé, souvent supérieur à deux". (C'est moi qui souligne.)

Je ne vais pas lancer mes foudres contre une faute si fréquente*, mais si on veut dire beaucoup, pourquoi ne pas dire beaucoup?

Line Gingras

* Note du 4 juin 2013 : Cette question a été abordée le 2 juin par André Racicot, qui renvoie à une passionnante étude de mon ancien collègue Jacques Desrosiers.

Dicours d'installation de Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada : http://www.gg.ca/media/doc.asp?lang=f&DocID=4574

1 octobre 2005

Conte de fée

Conte de fée; conte de fées.

  • Je ne parlerai ici ni de la naissance d'une princesse noire qui réécrit l'histoire du Canada à la manière d'un conte de fée... (Denise Bombardier.)

Je le sais bien, vous allez penser que je lui en veux, à madame Bombardier... Mais non. Si je la cite, c'est d'abord parce que je lis ses articles. Et puis, je suis trop fatiguée pour attraper une autre petite bête aujourd'hui.

Ce matin, d'abord, répétition intensive de l'Ensemble vocal André Martin - de 9 h 30 à 13 h 30. Un bonheur, d'un bout à l'autre : nous avons travaillé, notamment, tous les choeurs de l'oratorio Jephte, de Carissimi, et ça sonne déjà plutôt bien. Comme les motets pour choeur à voix égales que nous a écrits notre chef.

Ensuite, je suis allée retrouver rue Saint-Jean un ami venu spécialement d'Ottawa, cette fin de semaine, pour admirer le Queen Mary II, qui faisait escale à Québec. Sur la terrasse Dufferin, il y avait une foule bon enfant, tranquille, peu bruyante. Nous avons attendu plus d'une heure, mais avec le temps splendide et cette vue dont on ne se lasse pas... Finalement, vers 18 h 30 je dirais, le mastodonte est apparu, venant de l'Anse-aux-Foulons; il est passé devant nous, majestueux. Et puis, dans le soir qui tombait, un deuxième paquebot a quitté le port. Il en restait un troisième. On est partis souper. Après je suis rentrée, contente.

Mais il était question plus haut d'une histoire qui ressemble à un conte de fée, et j'ai voulu vérifier si le mot fée était correctement écrit, au singulier. Le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé consignent tous quatre l'expression, à l'article "conte" comme à l'article "fée"; seule graphie admise : conte de fées. Même information dans le Hanse-Blampain, à l'article "fée".

Il semblerait donc que nous ayons notre Lady Di à nous, et son conte de fées.

Line Gingras

"Chronique inattendue" : http://www.ledevoir.com/2005/10/01/91651.html
Château Frontenac et terrasse Dufferin : http://www.routard.com/guide_photos/dest/quebec/photo/1045.htm

10 octobre 2005

Au prétexte que

Au prétexte que; au prétexte de; sous prétexte que; sous prétexte de; sous le prétexte que; sous le prétexte de.

  • [...] du "bon monde" tranquille, sans histoire, du monde ordinaire comme on dit ici, s'insurge contre l'installation d'une maison pour personnes âgées dans leur rue, à Québec, au prétexte que leur quiétude sera mise à mal [...] (Denise Bombardier.)

Je vous ai fait hier la promesse que nous reviendrions sur cette phrase, et sous aucun prétexte je ne voudrais y manquer.

- Sous aucun prétexte?

- Sous aucun prétexte.

- Mais madame Bombardier...

- Madame Bombardier a écrit au prétexte que, j'ai vu cela, mais je n'en démords pas, de mon sous-préfet sous prétexte.

La raison? Après avoir consulté seize ouvrages de langue - les dictionnaires généraux et les ouvrages de difficultés que j'ai sous la main -, nulle part je n'ai trouvé au prétexte que ni au prétexte de, employés comme locutions afin d'introduire un complément de cause (répondant à la question pourquoi?). On reçoit, par contre, sous prétexte que, sous prétexte de :

Elle ne sort plus, sous prétexte qu'il fait trop froid. (Petit Robert.)
Il refusait de participer au concours, sous prétexte qu'il n'aurait aucune chance de gagner.
Sous prétexte de nous consulter, il est venu nous exposer son point de vue. (Multidictionnaire.)
Sous prétexte de maladie. (Hanse-Blampain.)
Sous (le) prétexte d'une maladie grave ou de mener une enquête. (Hanse-Blampain.)
Il l'a rappelée dès le lendemain, sous le prétexte plausible qu'il avait besoin d'un renseignement.
Sous le prétexte, qui sembla surprenant, d'un livre à lui emprunter...

Mais comment expliquer l'apparition des tours au prétexte que, au prétexte de?

J'ai bien cherché pourquoi
Et j'ai deviné, je crois

Oups! chanson de Noël - où il est question, soit dit en passant, d'une maman et d'un père Noël s'embrassant sous le lit gui. (Bon, bon, ça va, je suis heureuse que vous préfériez la grammaire.)

À quoi devons-nous donc ces locutions - non admises, à ce que je sache - avec au? Je ne serais pas étonnée qu'il y ait confusion avec au motif que :

Requête rejetée au motif que l'intéressé est mineur. (Petit Robert.)

Line Gingras

"Faire la fête?" : http://www.ledevoir.com/2005/10/08/92200.html

22 octobre 2005

Dans l'hypothèse où

Dans l'hypothèse où; indicatif ou conditionnel; mode indicatif; mode conditionnel.

  • Les Libériens iront de nouveau aux urnes le 8 novembre dans l'hypothèse, de plus en plus probable, aucun des 22 candidats à la présidence n'aura décroché la majorité absolue à l'issue du premier tour [...] (Dépêche.)

Un hippogriffe hypocondriaque dut un jour hypothéquer son hippodrome hypostyle. De son véhicule hippomobile, il appela son ami l'hippocampe qui se prétendit, l'hypocrite, occupé à calculer l'hypoténuse de son hypogée. Plutôt que de mourir d'hypothermie en attendant que l'autre ait achevé l'hypotaupe, il alla nourrir l'hypocauste et but dix bonnes coupes d'hypocras; et comme ensuite il n'arrivait guère à voler, il mit en cause son hypothalamus - qui le laissa tomber dans une mare d'hippopotames. Ceux-ci voulurent le retenir dans l'hypothèse où il pourrait leur verser des intérêts, sur la fameuse hypothèque.

Et cette histoire inepte finit ici, les enfants, puisqu'elle n'avait que ce but : vous faire savoir que d'après mes recherches, dans les dictionnaires et les ouvrages de difficultés que j'ai sous la main, la locution dans l'hypothèse où doit être suivie du conditionnel :

Dans l'hypothèse où il n'accepterait pas votre proposition, que feriez-vous? (Lexis.)

À noter que deux ouvrages seulement, sur les treize que j'ai consultés, donnent un avis sur la question : le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain.

Line Gingras

Beau site sur l'hippocampe : http://www.institut-paul-ricard.org/oceanoonline/hippo.htm
"En bref : Liberia, vers un second tour" : http://www.ledevoir.com/2005/10/18/92827.html

24 octobre 2005

Localités sinistrées par les pluies

Sinistrées par; sinistrée par; sinistrés par; sinistré par; être sinistré par; verbe sinistrer; adjectif et participe passé; verbe à la forme passive; passif; complément d'agent.

  • [...] une cinquantaine de localités sinistrées par les pluies torrentielles et les glissements de terrain. (Dépêche.)

J'allais vous parler de grippe aviaire, d'ouragans, de génocides, de Parkinson planétaire et pourquoi pas d'insuffisance rénale ou de cancer, mais je pense que vous devrez vous contenter d'un peu de grammaire, puisque je ne peux pas vous offrir de jus de betterave pour faire passer tout le reste.

L'analogie, en voilà au moins une qui a le don de se faire aimer : on apprend qu'une ville est rasée par un bombardement mais que ses ruines sont caressées par la brise; un artiste est démoli par la critique, et grandi par cette épreuve. Ne peut-on dire, en conséquence, que des localités sont envahies par les touristes ou sinistrées par les pluies?

C'est une espiègle, l'analogie, qui s'amuse aux dépens des gens pressés; avant de traverser la rue, rappelons-nous donc le gros camion de notre antique manuel d'hygiène.

Un bombardement a rasé la ville que la brise voudrait caresser; la critique a démoli l'artiste que cette épreuve grandira; les touristes ont envahi des localités. Mais les pluies ne sinistreront rien ni personne, parce qu'il n'y a pas de verbe sinistrer. Et s'il n'y a pas de verbe sinistrer, il n'y a pas de participe passé, pas de forme passive, pas de pluies qui sinistrent ou qui, au passif, remplissent la fonction de complément d'agent, précédé de la préposition par.

L'adjectif sinistré existe bel et bien, mais c'est un simple adjectif qualificatif, comme joli, et non pas un participe passé, comme touché ou détruit.

Line Gingras

"Après le passage de Stan - Les Indiens du Guatemala sont oubliés par le gouvernement" : http://www.ledevoir.com/2005/10/14/92553.html

11 novembre 2005

Le préfixe pré-

Préfixe pré-; trait d'union; préarrangements; pré-arrangements; mots composés.

  • Les préarrangements (ou arrangements préalables) sont un secteur de l'industrie funéraire qui m'intéresse depuis longtemps. J'aime la théâtralité et le narcissisme inhérents à cet exercice imaginaire posthume. (Josée Blanchette.)

Elle me donne tort, Josée Blanchette, et j'en suis on ne peut plus ravie.

Il y a dix jours, je signalais à des amis que le préfixe pré-, marquant l'antériorité dans le temps ou dans l'espace, ne doit pas être suivi du trait d'union, "en principe". Oui, j'ai bien dit "en principe"; c'est que, même si tous les ouvrages de langue que j'ai déjà consultés sur le sujet affirment que les mots composés avec ce préfixe s'écrivent sans trait d'union, je suis bien forcée de constater que, dans l'usage courant, le trait d'union est très souvent utilisé, y compris dans un journal d'excellente tenue comme Le Devoir - où jusqu'à tout à l'heure j'avais l'impression, en fait (faussement, en voici la preuve), que son emploi était systématique.

Donc, madame Blanchette me fait grand plaisir en écrivant préarrangements, et j'ai un peu honte de n'avoir pas abordé la question avant aujourd'hui : la partie n'est pas perdue.

Il convient de noter, en terminant, que les mots pré-bois et pré-salé ne font pas exception à la règle, bien qu'ils prennent le trait d'union : pré a ici le sens de "prairie".

Line Gingras

"C'est la vie! - Préarrangements" : http://www.ledevoir.com/2005/11/11/94789.html

11 décembre 2005

S'imposer une censure

S'imposer quelque chose; verbe pronominal; participe passé; accord du participe passé du verbe pronominal; complément d'objet direct; complément d'attribution; pronom réfléchi.

  • Toute l'histoire des abus de tous genres repose sur la censure que se sont imposés les Combattants d'une cause contre une autre. (Denise Bombardier.)

Cet instant de distraction nous est gracieusement offert par mon journal préféré, amis lecteurs, afin que nous puissions revoir ensemble la règle d'accord du participe passé du verbe pronominal : lorsque ce participe passé n'est pas suivi d'un infinitif, qu'il n'entre pas dans une locution verbale (comme se rendre compte) et que le pronom réfléchi n'a pas pour seule fonction de marquer la forme pronominale, l'accord se fait avec le complément d'objet direct, pourvu que celui-ci précède le verbe.

Or, que fait ici le pronom réfléchi se? Il représente les Combattants et, outre qu'il marque la forme pronominale, remplit la fonction de complément d'attribution, indiquant à qui est imposée la censure.

Les Combattants, même si le mot est placé après le verbe, se sont imposé à eux-mêmes cette censure. Celle-ci, représentée par le pronom relatif que, joue donc le rôle de complément d'objet direct; comme ce complément est placé devant le verbe, il commande l'accord du participe passé :

... la censure que se sont imposée les Combattants...

Line Gingras

«Autocensure» : http://www.ledevoir.com/2005/08/13/88151.html

13 décembre 2005

Ni fleurs ni couronnes - Réforme du Sénat

De passage dans l'Ouest canadien, mardi, Paul Martin n'a pas manqué l'occasion de répéter qu'il est en faveur d'un Sénat élu mais il s'est tenu très loin de toutes déclarations qui pourrait être perçues comme une promesse électorale. (Isabelle Rodrigue, PC.)

"Oui à la réforme du Sénat, mais ce n'est pas une priorité, dit Martin" : http://www.cyberpresse.ca/article/20051213/CPACTUALITES/51213136/5363/CPACTUALITES02

16 décembre 2005

Ni fleurs ni couronnes - Satanées questions

Comme les autres questions préenregistrée, celle-ci est venu du public. (Alec Castonguay.)

Dans le même paragraphe :

Le chef du NPD a rappelé que les chefs de l’opposition avait offert un compromis à Paul Martin pour déclencher des élections seulement en janvier.

"Duceppe et Martin se démarquent" : http://www.ledevoir.com/2005/12/16/97880.html

16 décembre 2005

Ni fleurs ni couronnes - Répétitions répétitives

En janvier dernier, des élections avaient été organisées afin d'élire un gouvernement provisoire [...] (Serge Truffaut.)

Dans le même paragraphe :

Dans les mois qui ont suivi, les membres de cette coalition ont pris un soin particulier à composer une loi fondamentale traduisant leurs intérêts particuliers.

"L'élection des divisions" : http://www.ledevoir.com/2005/12/16/97843.html

29 décembre 2005

Ni fleurs ni couronnes - On va les traiter, bon

La charte serait mise en oeuvre par les conservateurs, a assuré leur chef, en plus de la déclaration des droits des vétérans, qui baliserait le traitement des requêtes afin qu'elles soient traitées plus rapidement. (PC.)

On ne pourrait pas les régler, ces demandes, pour changer?

"Harper veut protéger les anciens combattants" : http://www.ledevoir.com/2005/12/29/98580.html

31 décembre 2005

Épithète placée en début de phrase

Épithète placée en début de phrase ou de proposition; participe placé au début de la phrase ou de la proposition; rupture de construction; syntaxe et clarté.

  • Pour voyager dans une autre dimension, les états d'âme sur palette de Louis Boudreault, peintre poète ou son contraire. Mondialement connu pour ses travaux sur les envois, boîtes symboles accompagnant ses oeuvres sur différentes routes comme celles des épices ou des teintures, l'exposition Première neige nous donne de l'hiver une sorte de répit mental et d'arrêt sur images multiples et apaisantes. (Lio Kiefer.)

Eh! non, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas l'exposition qui est mondialement connue, mais le peintre. On le voit, Grevisse avait bien raison lorsqu'il estimait "souhaitable que l'épithète [...] placée au début de la phrase (ou de la proposition) se rapporte au sujet de cette phrase (ou de cette proposition)". (Le bon usage, paragraphe 328, douzième édition.)

Line Gingras

"Objets - Venise: comme de bien entendu..." : http://www.ledevoir.com/2005/12/31/98631.html

6 janvier 2006

L'enfant s'est oublié...

L’enfant s’est oublié parmi les herbes hautes
Sur un tapis grouillant d’insectes diablotins
Dans l’ombre mauve où plonge le chant clandestin
Des cigales pinçant les trèfles qui tressautent

Et pour la nuit qui vient telle une pentecôte
Il souffle dans sa flûte un son timide et fin
Où se fond le soleil en rouge bruit d’airain
Ramenant le silence où expirent les fautes

Que ne peut-il dormir en ce refuge vert
Effacé de la vie, dans l’éternelle extase
Et s’en aller ravi sur les chemins de l’air

Où les anges dessinent des parfums d’étoiles
Mais il s’en retourne dans la brise qui jase
Et ne sait pas le rêve des grands champs de voiles

Choubine

9 janvier 2006

Passer outre ce qu'ils disent

Passer outre quelque chose; passer outre à quelque chose.

  • [...] il est difficile de passer outre ce qu'ils disent. (Anderson Cooper, de CNN; propos rapportés en français par Paul Cauchon.)

D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis et le Multidictionnaire, passer outre, lorsqu'il est employé au sens de "ne pas tenir compte de", "négliger", introduit son complément au moyen de la préposition à :

Passer outre à une interdiction. (Petit Robert.)

Hanse et Blampain précisent qu'il faut éviter passer outre quelque chose, bien que Simone de Beauvoir ait écrit passer outre les préjugés.

Line Gingras

"Médias : Descente aux enfers" : http://www.ledevoir.com/2006/01/09/99226.html?338

17 janvier 2006

Réputé être

Réputé être + attribut; réputé + attribut.

  • Première femme élue présidente du Chili, pays réputé être le plus machiste du continent, Michelle Bachelet sera en mesure de mener les réformes envisagées avec plus de latitude que ses prédécesseurs. (Serge Truffaut.)

Employé au sens de considéré comme, tenu pour, le participe passé réputé peut être suivi directement d'un attribut :

Ce climat est réputé sain. (Hanse et Blampain.)

Un restaurant réputé gastronomique. (Girodet.)

Il se lia en particulier avec M. Mydorge, alors réputé le premier mathématicien de France. (Valéry, cité par le Trésor de la langue française informatisé.)

Il paraît superflu d'intercaler le verbe être :

[...] pays réputé le plus machiste du continent [...]

Line Gingras

"Rupture au Chili" : http://www.ledevoir.com/2006/01/17/99853.html

5 novembre 2005

Nous avons vu l'Étoile...

Ensemble vocal André Martin; oratorio Jephte, de Carissimi; concert de Noël; Québec.

Nous avons vu l’Étoile...

Ce sera le thème de notre concert du 10 décembre. Qui nous amènera d’un monde ancien à l’ère nouvelle, marquée par la réalisation d’une promesse, par la réponse du Ciel à l’appel des hommes.

Étrange idée pour un concert de Noël, nous avons d’abord au programme l’oratorio Jephte, de Carissimi. Jephte est une sorte de chef de guerre; appelé à défendre les fils d’Israël contre ceux d’Ammon, il part au combat en faisant un vœu : si le Seigneur lui donne la victoire, lui, Jephte, lui donnera en sacrifice quiconque, le premier, sortira de la maison pour l’accueillir à son retour.

Promesse imprudente : Jephte revient chez lui vainqueur, et c’est sa fille, sa fille unique, unique et vierge, qui la première court à sa rencontre.

Il est désespéré, déchire ses vêtements, mais ne songe pas à reprendre sa parole; et sa fille ne se révolte pas non plus, mais s’offre d’elle-même en holocauste. Seulement, elle demande deux mois pour aller dans les montagnes, avec sa suite, pleurer... sur sa virginité. Le livret de l’oratorio n’en dit pas davantage; dans l’Ancien Testament, on lit cependant que, les deux mois écoulés, la fille de Jephte rentre chez elle et que le vœu est accompli.

Cette histoire présente des parallèles intéressants avec celle du Christ : dans les deux cas, on voit le sacrifice d’un enfant unique – unique et vierge – par lequel est sauvé tout un peuple; la soumission de l’enfant à la volonté de son père; la retraite dans la montagne, avec ses amis, pour pleurer et se préparer à la mort.

Mais on voit bien, aussi, le contraste entre l’ordre ancien et le nouveau : le Dieu de Jephte est un « seigneur de la guerre », qui soutient son peuple par la victoire des armes; celui de l’ordre nouveau se définit plutôt comme le prince de la paix, venu inaugurer – en principe, n’est-ce pas – le règne de l’amour.

Dans le monde où vit Jephte, ce sont les hommes qui font des sacrifices à Dieu, qui sont prêts à lui offrir en holocauste un fils, une fille unique, et à mourir sans descendance. Dans l’ère nouvelle, c’est Dieu qui donne au monde son fils, son fils unique, pour le sauver.

Dieu, comme Jephte, accomplit sa promesse. Toutefois, le Messie qu’il envoie ne correspond pas exactement aux attentes des hommes : lui qui est le Dieu de majesté, il naît comme tous les hommes, petit enfant vulnérable, qu’il faut soustraire au massacre ordonné par Hérode; lui qui tient le monde entre ses mains, il naît dans une étable, devant le bœuf et l’âne; lui qui est le roi du Ciel, il ne veut pas régner par la force des armes, mais par celle de l’amour.

Line

1 novembre 2005

Trahison morte-née

Mort-né; mort-nés; morts-nés; mort-née; morte-née; mort-nées; mortes-nées.

  • [...] il a sorti tout son répertoire de mimiques pour essayer de faire vivre sa trahison morte-née de l'un des chefs-d'oeuvre de Beethoven. (Christophe Huss.)

Le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain, le Trésor de la langue française informatisé et le Bon usage donnent tous le même avis : dans mort-né, que ce mot composé soit employé comme nom ou comme adjectif, le premier élément doit rester invariable :

Des jumelles mort-nées.
Des projets mort-nés.
Des mort-nés.

La critique est mort-née. (Thibaudet.)

Le Trésor relève tout de même cette citation d'Anatole France, où mort est accordé au pluriel :

  • [...] ranimer pendant quelques heures les enfants morts-nés.

Personne n'est infaillible...

Line Gingras

"Le policier inventeur Pierre Renaud a créé un jeu qui permet aux enfants d'apprendre l'orthographe tout en s'amusant" : http://www.ledevoir.com/2005/11/01/93970.html
"Concerts classiques - Transcriptions et trahison" : http://www.ledevoir.com/2005/08/01/87341.html?258

28 janvier 2006

Ni fleurs ni couronnes - Pointillons*

  • Il n'y a pas que l'efficacité énergétique qui joue en faveur des Japonais et des Allemands, il y a aussi la gamme de produits offerts, leur style, leur qualité d'assemblage et leur fiabilité d'ensemble. Au contraire, sur chacun de ces points, les voitures américaines ne cessent de perdre des points. (Jean-Robert Sansfaçon.)

Non, rassurez-vous, je ne vais pas proposer d'écrire que les voitures américaines ne cessent de perdre des plumes; mais ne serait-il pas possible d'affirmer, de façon plus terre à terre, qu'elles donnent de moins en moins satisfaction ou qu'elles présentent de moins en moins d'intérêt?

Line Gingras

* Le verbe pointiller, d'après le Petit Robert, ne signifie pas «se montrer pointilleux». Le Trésor de la langue française informatisé admet cependant cette acception figurée : «Apporter la plus grande minutie dans la réalisation ou l'exécution de quelque chose.» On peut ainsi parler en pointillant chaque mot.

«Le carnage se poursuit» : http://www.ledevoir.com/2006/01/24/100351.html

26 septembre 2005

En tous les cas

En tous cas; en tout cas; en tous les cas; dans tous les cas.

Une affaire de réglée.

Demain 27 septembre, Michaëlle Jean deviendra officiellement gouverneure générale du Canada. J'ai cru un moment qu'on n'y arriverait jamais, à cette date importante pour la communauté haïtienne du Québec.

L'annonce de cette nomination, d'abord accueillie très favorablement, a vite suscité la controverse : des nationalistes "purs et durs" ont signalé les affinités de madame Jean et surtout de son mari, Jean-Daniel Lafond, avec le mouvement souverainiste. Certains ont sans doute agi uniquement pour contrer le "beau coup" de Paul Martin ou pour se venger de ce qu'ils ressentaient comme une trahison; on ne peut croire qu'ils aient cherché à rendre service aux fédéralistes! Mais dans un cas que je souhaiterais isolé, on a voulu susciter la haine du Canada anglais - en montant en épingle des relations avec d'anciens membres du FLQ, protagonistes des événements d'octobre 1970 (il faut savoir que monsieur Lafond, à titre de documentariste, leur a consacré un film) -, dans l'espoir déclaré de provoquer une "campagne anti-québécoise" qui aurait pu entraîner la séparation du Québec.

Il y a longtemps que je ne sais plus si le Québec devrait rester au sein de la confédération canadienne ou devenir un État souverain; n'empêche, ce procédé me dégoûte.

Heureusement, les Canadiens anglais n'ont pas mordu trop fort à l'hameçon. Madame Jean a dû faire paraître une profession de foi fédéraliste, il lui a fallu abandonner la citoyenneté française, mais elle n'a pas renoncé à sa place dans l'histoire du Canada; quelle tristesse ç'aurait été, pour les Québécois d'origine haïtienne. Je crois que son engagement à l'égard de sa communauté peut expliquer des gestes qui sans cela pourraient sembler incompréhensibles.

Dans un article publié dans Le Devoir cette fin de semaine, Hélène Buzzetti écrit :

  • [...] en tant que journaliste, elle aura su maintenir le secret sur ses allégeances politiques. En tous les cas, la profession de foi fédéraliste que le couple a dû faire par écrit [...] en a mis plusieurs mal à l'aise.

En tous les cas? Cette expression me rappelle le langage coloré de mon grand-père; ne peut-on imaginer ou presque, dans le téléroman Le temps d'une paix, Joseph-Arthur déclarant à Rose-Anna : "En toué cas, Rose-Anna, y a rien qui bat ta soupe aux pois"?

Mais ne nous fions pas à une simple impression; voyons plutôt ce qu'en disent les ouvrages de langue.

L'affaire se présente mal : en tous les cas n'est pas consignée dans le Petit Robert, à l'article "cas". Le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain n'en parlent pas. (Notons au passage que, d'après ce dernier ouvrage, on écrit en tout cas - moins souvent en tous cas. L'expression dans tous les cas est également admise.)

Cependant, des ouvrages de difficultés moins récents - le Colin, le Girodet - acceptent en tous les cas. Berthier et Colignon la reçoivent aussi, mais "plutôt avec une épithète ou un complément", comme dans l'exemple en tous les cas envisageables (leur observation s'applique également à dans tous les cas).

Il se peut donc que l'expression soit un peu vieillie. N'empêche que je l'ai trouvée en outre dans le Trésor de la langue française informatisé, sans mise en garde. Par conséquent, on ne saurait la considérer comme fautive - même si en tout cas est certainement d'utilisation plus courante.

Et voilà. Une autre affaire de réglée.

Line Gingras

L'article d'Hélène Buzzetti : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91152.html
"Michaëlle Jean et les felquistes" : http://www.ledevoir.com/2005/08/11/87968.html

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