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Choux de Siam
30 septembre 2005

Mettre en perspectives?

Mettre les choses en perspective; mettre les choses en perspectives; mettre quelque chose en perspective; mettre quelque chose en perspectives; mettre en perspectives; mettre en perspective; to put in perspective; to put into perspective.

  • Les gens qui savent, qui sont capables de mettre les choses en perspectives [...] (Josée Boileau, "La liberté de qui?", dans Le Devoir, éditorial du jeudi 29 septembre.)

Je croyais en venir à bout en moins de deux : l'expression trouvée dans le Petit Robert - avec la graphie mettre en perspective, sans "s" -, je me disais que décidément je donnais dans la facilité, aujourd'hui.

Ha.

Rien, sur l'expression telle quelle, dans le Lexis; dans le Hanse-Blampain; dans le Multidictionnaire; dans le Colin; dans le Berthier-Colignon; dans le Girodet; dans le Thomas; dans le Dagenais; dans le Colpron; dans le Chouinard; dans le Leroux.

Le Trésor de la langue française informatisé reçoit mettre en perspective au sens propre, mais ne mentionne pas de sens figuré. Je note tout de même cet exemple de la locution adverbiale en perspective, employée au figuré :

Il nous faut voir la vie en perspective. (Saint-Exupéry.)

Le Petit Robert est donc le seul, parmi les ouvrages que j'ai sous la main, qui admette l'expression à l'étude, comme locution figurée : "Mettre qqch. en perspective, en exposer toutes les dimensions et présenter l'arrière-plan, le contexte."

Je pense donc qu'on peut très bien s'en servir. Il reste que le Meertens, à l'article "perspective", propose plusieurs solutions de rechange, entre autres (selon le sens) : nuancer, considérer avec recul, replacer dans son contexte, faire la part des choses.

Line Gingras

"La liberté de qui?" : http://www.ledevoir.com/2005/09/29/91439.html

29 septembre 2005

Plusieurs d'entre nous

Plusieurs d'entre nous; plusieurs d'entre vous; beaucoup d'entre nous; beaucoup d'entre vous; plusieurs et beaucoup; expression de quantité + d'entre nous; expression de quantité + d'entre vous; accord du verbe; personne du verbe.

  • Plusieurs d'entre nous n'avons pas la chance...

Décevant, le discours d'installation prononcé le mardi 27 septembre par Michaëlle Jean, notre nouvelle gouverneure générale?

Rempli de bonnes intentions, comme il se doit. Et rassurant pour le Canada anglais, ainsi que me le faisait observer un ami : il n'y a plus au Canada "deux solitudes", mais des solitudes multiples, apparemment, dont il s'agit de "briser le spectre". Si madame Jean faisait de la politique, je dirais qu'elle se montre plus royaliste que le roi en niant, ou en ayant l'air de nier, l'existence du Québec comme société distincte.

Il reste que ce discours, je l'ai trouvé bien écrit; or, pour moi, le respect du fait français au Canada doit s'exprimer avant tout par le respect du français.

Je me suis cependant interrogée devant le passage cité plus haut : à quelle personne fait-on l'accord du verbe, lorsque le sujet est une expression de quantité complétée par d'entre nous ou d'entre vous?

Au paragraphe 899 du Bon usage (douzième édition), je lis : "Lorsque le sujet est une expression de quantité comme la plupart, un grand nombre, beaucoup, plusieurs, certains, quelques-uns, combien, trop, etc., ayant pour complément l'un des pronoms nous, vous, le verbe se met presque toujours à la 3e personne du pluriel." (C'est moi qui souligne.)

Hanse et Blampain, dans le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne (quatrième édition), proposent les exemples suivants :

La plupart d'entre nous en ont fait l'expérience.
Trois d'entre vous resteront.
Nombre d'entre vous s'en réjouiront.
Beaucoup d'entre nous regretteront ce départ.

Ils ajoutent, précision importante à mon avis : "Dans ce dernier cas, l'accord avec nous permet de marquer qu'on se met dans le nombre : Beaucoup d'entre nous l'avons regretté. Un tel accord n'est pas courant; il est très rare avec vous." (C'est moi qui souligne.)

Que disait madame Jean, déjà?

  • Notre pays est si vaste et si riche dans ses coloris et ses accents. Plusieurs d'entre nous n'avons pas la chance d'en mesurer l'étendue. Je sais combien je suis privilégiée.

Il est clair que si la gouverneure générale est incluse dans le nous qui désigne l'ensemble des Canadiens, elle ne se met pas dans le nombre de ceux qui n'ont pas la chance de mesurer l'étendue du Canada.

L'accord du verbe à la troisième personne du pluriel s'imposait donc :

Plusieurs d'entre nous n'ont pas la chance d'en mesurer l'étendue.

J'allais oublier de vous signaler une petite chose, à propos de plusieurs : cet adjectif ou pronom indéfini pluriel, selon Hanse et Blampain, "indique un nombre peu élevé, souvent supérieur à deux". (C'est moi qui souligne.)

Je ne vais pas lancer mes foudres contre une faute si fréquente*, mais si on veut dire beaucoup, pourquoi ne pas dire beaucoup?

Line Gingras

* Note du 4 juin 2013 : Cette question a été abordée le 2 juin par André Racicot, qui renvoie à une passionnante étude de mon ancien collègue Jacques Desrosiers.

Dicours d'installation de Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada : http://www.gg.ca/media/doc.asp?lang=f&DocID=4574

28 septembre 2005

Conversation

Assez timidement comprenez-vous
J’ai demandé au maître de poste
S’il vous plaît Monsieur donnez-moi je vous en prie l’adresse
De l’étoile la plus proche ou la moins lointaine
L’une ou l’autre ça ira
C’est à peu près pareil ou presque
Je m’en contenterai

Mais il avait je crois
Une laryngite ou encore un abcès
Et sans doute aussi un accès de moutarde
Au nez
Dans ces cas-là rien de mieux
Je lui ai dit qu’un hot-dog
Avec de l’oignon rouge
Et cru
Pour faire passer la saucisse
Pas trop épicée
Avec des frites
Ça ne l’a pas aidé
Apparemment
C’était la nuit
Lorsqu’on s’est quittés
Et si noir
Et si peu étoilé
Que je n’ai pas pu rentrer
Je pense
Et lui non plus

Il n’est resté que nous

Choubine

Le bureau de poste d'Ottawa (au fond, des édifices de la colline du Parlement) : http://www.ottawa.ca/residents/gallery/pages/99D_66_3_04_fr.html

27 septembre 2005

Supposer

Supposer que, être supposé + infinitif, être supposé de + infinitif, être censé + infinitif, supposer + infinitif, supposer de + infinitif, supposer quelqu'un de + infinitif, supposer quelqu'un d'avoir fait quelque chose.

Denise Bombardier et Gil Courtemanche posaient des questions intéressantes, dans Le Devoir de la fin de semaine dernière, à propos de l'affaire Boisclair - il s'agit de cet ancien ministre, jeune candidat à la direction du Parti québécois (il n'a pas quarante ans), qui a admis avoir consommé de la cocaïne à quelques reprises alors qu'il exerçait des fonctions ministérielles.

Vous trouverez plus bas des liens vers ces articles, mais vous me connaissez ou me connaîtrez bientôt : toujours à la recherche de la petite bête...

  • Dans quelle société vivons-nous pour que l'aveu d'un geste de nature criminelle propulse la personne qui l'a posé plus avant dans le concours de popularité et que celle dont on suppose l'entourage d'avoir laissé filtrer la nouvelle perde des appuis? (Denise Bombardier.)

D'un point de vue grammatical, on peut très bien soupçonner ou accuser une personne ou un groupe d'avoir fait quelque chose; on peut aussi supposer qu'une personne ou un groupe a fait quelque chose. Mais peut-on supposer une personne ou un groupe d'avoir fait quelque chose?

Cette construction me semble pour le moins étrange. Madame Bombardier aurait-elle hésité sur le choix du verbe, remplacé soupçonner ou accuser par supposer, puis oublié de modifier la structure de sa phrase? C'est possible; voyons en tout cas ce qu'en disent les ouvrages de langue.

J'en ai consulté une quinzaine - dictionnaires généraux, ouvrages de difficultés, grammaire. Tous ceux qui parlent du verbe supposer reçoivent, bien entendu, la construction supposer que; celle-ci est suivie, d'après Hanse et Blampain, de l'indicatif, du conditionnel ou du subjonctif, selon le sens.

Hanse et Blampain admettent aussi être supposé suivi d'un infinitif, sans de :

Il est supposé avoir compris.

Frèdelin Leroux fils a d'ailleurs relevé cette construction chez plusieurs auteurs. Marie-Éva de Villers, pour sa part, signale comme fautive la forme être supposé de, calque de "to be supposed to"; il faudrait dire Elle est censée venir, et non pas Elle est supposée de venir.

Dans le Trésor de la langue française informatisé, je lis que supposer peut être suivi d'une proposition complétive avec verbe à l'infinitif - mais sans de :

[...] sa mère lui avait remis le portrait de celui qu'elle supposait être son père. (Maupassant.)

Hanse et Blampain pourraient avoir l'air de tolérer, en le déconseillant, le tour qui nous intéresse. Dans la quatrième édition, on trouve en effet ce passage, un peu trop imprécis à mon goût : "L'emploi de supposer de devant un infinitif est peu courant. On dira plutôt : supposer que..." Heureusement, j'ai toujours la troisième édition, qui contient un exemple très utile :

Cet élargissement supposerait de trouver un programme de gouvernement. (Le Figaro.)

J'y remarque deux éléments qui me paraissent essentiels : premièrement, la construction tolérée, ce n'est pas supposer quelqu'un de + infinitif, mais supposer de + infinitif; deuxièmement, supposer n'a pas ici le sens de "croire", "présumer", "penser", mais celui d'"impliquer", de "comporter comme nécessairement lié".

À mon avis, la construction supposer quelqu'un de + infinitif doit donc être tenue pour incorrecte. Par quoi pourrait-on la remplacer, sans modifier le sens ni alourdir la phrase? Je suggérerais un conditionnel : au lieu de "celle dont on suppose l'entourage d'avoir laissé filtrer la nouvelle", j'écrirais "celle dont l'entourage aurait laissé filtrer la nouvelle".

Line Gingras

"Questions" : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91095.html
"Passer à autre chose" : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91135.html

26 septembre 2005

En tous les cas

En tous cas; en tout cas; en tous les cas; dans tous les cas.

Une affaire de réglée.

Demain 27 septembre, Michaëlle Jean deviendra officiellement gouverneure générale du Canada. J'ai cru un moment qu'on n'y arriverait jamais, à cette date importante pour la communauté haïtienne du Québec.

L'annonce de cette nomination, d'abord accueillie très favorablement, a vite suscité la controverse : des nationalistes "purs et durs" ont signalé les affinités de madame Jean et surtout de son mari, Jean-Daniel Lafond, avec le mouvement souverainiste. Certains ont sans doute agi uniquement pour contrer le "beau coup" de Paul Martin ou pour se venger de ce qu'ils ressentaient comme une trahison; on ne peut croire qu'ils aient cherché à rendre service aux fédéralistes! Mais dans un cas que je souhaiterais isolé, on a voulu susciter la haine du Canada anglais - en montant en épingle des relations avec d'anciens membres du FLQ, protagonistes des événements d'octobre 1970 (il faut savoir que monsieur Lafond, à titre de documentariste, leur a consacré un film) -, dans l'espoir déclaré de provoquer une "campagne anti-québécoise" qui aurait pu entraîner la séparation du Québec.

Il y a longtemps que je ne sais plus si le Québec devrait rester au sein de la confédération canadienne ou devenir un État souverain; n'empêche, ce procédé me dégoûte.

Heureusement, les Canadiens anglais n'ont pas mordu trop fort à l'hameçon. Madame Jean a dû faire paraître une profession de foi fédéraliste, il lui a fallu abandonner la citoyenneté française, mais elle n'a pas renoncé à sa place dans l'histoire du Canada; quelle tristesse ç'aurait été, pour les Québécois d'origine haïtienne. Je crois que son engagement à l'égard de sa communauté peut expliquer des gestes qui sans cela pourraient sembler incompréhensibles.

Dans un article publié dans Le Devoir cette fin de semaine, Hélène Buzzetti écrit :

  • [...] en tant que journaliste, elle aura su maintenir le secret sur ses allégeances politiques. En tous les cas, la profession de foi fédéraliste que le couple a dû faire par écrit [...] en a mis plusieurs mal à l'aise.

En tous les cas? Cette expression me rappelle le langage coloré de mon grand-père; ne peut-on imaginer ou presque, dans le téléroman Le temps d'une paix, Joseph-Arthur déclarant à Rose-Anna : "En toué cas, Rose-Anna, y a rien qui bat ta soupe aux pois"?

Mais ne nous fions pas à une simple impression; voyons plutôt ce qu'en disent les ouvrages de langue.

L'affaire se présente mal : en tous les cas n'est pas consignée dans le Petit Robert, à l'article "cas". Le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain n'en parlent pas. (Notons au passage que, d'après ce dernier ouvrage, on écrit en tout cas - moins souvent en tous cas. L'expression dans tous les cas est également admise.)

Cependant, des ouvrages de difficultés moins récents - le Colin, le Girodet - acceptent en tous les cas. Berthier et Colignon la reçoivent aussi, mais "plutôt avec une épithète ou un complément", comme dans l'exemple en tous les cas envisageables (leur observation s'applique également à dans tous les cas).

Il se peut donc que l'expression soit un peu vieillie. N'empêche que je l'ai trouvée en outre dans le Trésor de la langue française informatisé, sans mise en garde. Par conséquent, on ne saurait la considérer comme fautive - même si en tout cas est certainement d'utilisation plus courante.

Et voilà. Une autre affaire de réglée.

Line Gingras

L'article d'Hélène Buzzetti : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91152.html
"Michaëlle Jean et les felquistes" : http://www.ledevoir.com/2005/08/11/87968.html

25 septembre 2005

Sale lorsque je suis blanc...

Quelqu'un, tout à l'heure, est arrivé à mon carnet en posant l'énigme "sale lorsque je suis blanc, propre lorsque je suis noir". Malheureusement, ce n'est pas ici qu'on aura trouvé la réponse. Auriez-vous une idée, vous qui me lisez, de ce que ça pourrait bien être? Phil, tu le saurais je gage?

Choubine

24 septembre 2005

1984, même jour

Ce texte se trouve maintenant à l'adresse suivante : http://chouxdesiam.hautetfort.com/archive/2005/09/24/1984-meme-jour.html

Line Gingras
27 septembre 2006

23 septembre 2005

Dont et son antécédent

Dont; antécédent; complément du nom; complément déterminatif; pronom relatif dont; dont ayant pour antécédent un terme complément d'un nom introduit par une préposition.

Mais comment simplifier tout ça?

  • Une décision dont on doute de la sagesse dans les circonstances [...] (Guy Taillefer.)

En voyant ce bout de phrase à la fin d'un éditorial sur la difficulté de la reconstruction en Afghanistan, je devais avoir la mine perplexe de Julie Andrews jouant le personnage de Maria, future baronne von Trapp, au moment où elle se demande comment elle va bien pouvoir s'y prendre pour enseigner les rudiments de la musique aux enfants.

La construction est fautive, aucun doute là-dessus, mais comment énoncer la règle qui s'applique? Le problème est de taille, et dépasse de vingt-trois mille six cent quarante-sept kilomètres et demi le b.a.-ba de la grammaire, en ce qui me concerne en tout cas; n'empêche, allons-y hardiment, avec l'aide de nos valeureux amis Hanse et Blampain :

Le pronom relatif dont ne peut avoir pour antécédent un terme complément d'un nom introduit par une préposition - sauf si le terme en question "est aussi complément d'un autre nom qui précède" le nom introduit par une préposition.

?

Qu'est-ce que je vous disais... Voyons cela en détail.

Dans l'exemple que j'ai cité plus haut - Une décision dont on doute de la sagesse -, dont a pour antécédent (autrement dit : dont représente) le terme une décision; celui-ci est complément du nom sagesse (sagesse de la décision); et sagesse est introduit par la préposition de.

Après la première moitié de notre analyse, il semble que la construction soit incorrecte; il faut donc poursuivre, et nous demander si l'exception s'applique ici : l'antécédent, c'est-à-dire le terme représenté par dont, est-il aussi complément d'un autre nom qui précède de la sagesse?

Autre nom à l'horizon?

- Niet. (Comparer avec Le politicien dont la conduite passée pourrait nuire à la carrière; politicien est complément de carrière, mais aussi de conduite : le tour est correct.)

Et voilà pourquoi
Le muguet des bois...

Non, ce n'est pas ça : et voilà pourquoi il faut considérer Une décision dont on doute de la sagesse comme une construction fautive - qu'il serait possible de remplacer, tout simplement, par Une décision dont on met la sagesse en doute, ou dont on met en doute la sagesse.

C'est indigeste? Je m'en doute. Mais vous pourrez y revenir.

Line Gingras

"Il était deux petits champignons..." : http://www.momes.net/comptines/cetaientdeuxchampignons.html
"The Sound of Music" - Maria et les enfants : http://images.google.ca/imgres?imgurl=http://data.panoramatours.com/media/101.jpg&imgrefurl=http://www.panoramatours.com/media/som_movie/&h=260&w=450&sz=44&tbnid=B_dIGVcJbX8J:&tbnh=71&tbnw=124&hl=fr&start=2&prev=/images%3Fq%3D%2B%2522the%2Bsound%2Bof%2Bmusic%2522%26svnum%3D10%26hl%3Dfr%26lr%3D%26sa%3DN%26as_qdr%3Dall
"L'échec de Karzaï" : http://www.ledevoir.com/2005/09/23/91021.html

22 septembre 2005

Accoucher d'une entente de principe

Sans que + ne explétif; craindre que + ne explétif; accoucher; accoucher de quelque chose.

Comment éviter la fausse note?

Ma professeure de chant me l'a recommandé je ne sais combien de fois : "Entends la note." (La bonne. Avant de la chanter, est-il besoin de le dire.) Et tous les chefs de choeur le répètent inlassablement : "Écoutez-vous, soyez toujours à l'écoute les uns des autres."

Je m'autoriserai donc une allusion au travail que nous faisons ce trimestre à l'Ensemble vocal André Martin (voir le billet du 13 septembre) : si les mages n'avaient pas perçu de note discordante dans l'intérêt manifesté par Hérode à l'égard de l'enfant dont ils suivaient l'étoile, de quoi aurait l'air, je vous le demande, la vente de cannes de Noël?

(On est profonde, ici, des fois.)

Toute cette magnifique digression pour en venir à ce mot d'ordre banal : tâchons donc de nous servir de nos oreilles, au propre et au bien lavé figuré, lorsque nous écrivons.

Vous allez trouver que je fais mine de poser de grandes questions pour ne m'attacher finalement qu'à des vétilles, mais qu'y puis-je si on ne m'offre que des peccadilles à relever? (Si ça continue, je vais être obligée de chercher ailleurs que dans Le Devoir...)

  • Les négociations se sont poursuivies hier entre les enseignants du primaire et du secondaire et le ministère de l'Éducation, sans toutefois que cette journée additionnelle d'échanges, bien qu'intensive, n'ait permis d'accoucher d'une entente de principe. (Marie-Andrée Chouinard.)

Quand je vous parlais de fausse note, c'est à cette utilisation du verbe accoucher que je pensais : dans un article d'information tout ce qu'il y a de plus sérieux, cet emploi figuré, qui relève normalement de la plaisanterie (vérifié dans le Petit Robert), détonne.

Mais il est un autre point dont j'aimerais vous toucher un mot : l'emploi du ne explétif (c'est-à-dire non nécessaire au sens) après sans que.

Le ne explétif s'utilise très correctement, par exemple, avec le verbe craindre à la forme affirmative :

Je crains qu'il ne vienne.

Après la locution sans que, toutefois, son emploi est déconseillé par le Hanse-Blampain, et condamné par le Multidictionnaire. Il faudrait donc écrire :

[...] sans toutefois que cette journée additionnelle d'échanges, bien qu'intensive, ait permis (plutôt que n'ait permis) d'arriver à une entente de principe.

Ce ne serait pas l'accord parfait, mais nous ne sommes pas des anges.

Line Gingras

Négociations... : http://www.ledevoir.com/2005/09/21/90864.html

21 septembre 2005

On veut de la politique propre

À la suite de révélations chocs touchant la consommation de cocaïne, marijuana, alcool, tabac, café, Pepsi diète, Caramilk, chips au ketchup et autres drogues, le Parti Rhinocéros renouvelé s'engage à obliger tous les politiciens, qu'ils soient de la génération BB, préBB, postBB, X, Y ou Z, à subir des tests d'urine hebdomadaires ainsi que des alcootests et des tests d'haleine quotidiens.

Ça suffit, la tricherie.

Rhino-Choubine

L'affaire André Boisclair : une guéguerre des générations?

20 septembre 2005

Se rapporter et se présenter

Se rapporter; se présenter; on va à Old Orchard.

  • Ces joueurs devront se rapporter au camp des Bulldogs.

Ma première vue de la mer, c'est Old Orchard qui me l'a donnée.

Je dois avoir treize ou quatorze ans. C'est l'été, que je passe à vendre des fraises en rêvant du retour à l'école (j'en mange bien quelques-unes aussi, en attendant les framboises qui viendront dans quelques semaines - et les bleuets). Mon père, hier soir, est rentré fourbu et nous a annoncé la seule décision qu'il a dû prendre tout seul dans sa vie d'homme marié : à 4 h du matin, nous allions partir pour... ce que par souci de vérité toponymique j'appellerai Old Orchard.

Des heures et des heures plus tard, nous, les enfants dont je suis l'aînée, trouvons le chemin terriblement long. La nouveauté de la ligne jaune au milieu de la route, elle est épuisée. L'étrangeté des plaques
d'immatriculation, l'orthographe de «Mets sa chaussette» ont fait leur temps. Patience, on va arrêter pour une crème à glace. Et quand est-ce qu'on arrête pour une crème à glace? Ah! mais. Ah! mais il faut qu'il y ait un comptoir. Ah! mais il faut l'apercevoir à temps. Ah! mais ça serait meilleur de la molle. Ah! mais il faut rouler si on veut coucher à soir.

En plus, à chaque sortie d'autoroute, il se trouve plein d'enfants pour demander : est-ce qu'on est rendus, là? Non?

Moi, je ne dis plus rien : après les comptoirs de crème à glace et les étalages de souvenirs, je surveille les écriteaux. Or, voici que nous bifurquons et que la route, tout soudain, est bordée de motels. La voiture s'arrête. On est arrivés, annoncent mes parents. Mais comment ça se fait? Je n'ai pas vu l'écriteau.

Ah! mais si. Sauf que moi, je cherchais «Le Lotcheur».

Ce vrai souvenir de mon premier voyage à Old Orchard, c'est la chronique de Jean Dion pour aujourd'hui qui me l'a rappelé. Alors que mon père, au Lotcheur, s'inquiétait de son commerce, Jean Dion, lui, se préoccupe, ou du moins il s'en préoccuperait peut-être si la saison était commencée, de ce que fabrique le Canadien en son absence.

Parce que oui, Jean Dion est bien allé à Old Orchard en fin de semaine, il a eu la gentillesse de me le confirmer. Entre chroniqueurs, hein.

Hem. Bon.

Donc, pendant que le journaliste laissait son regard vaguer sur les flots, que fabriquait le Canadien? - Il tenait son "gros camp", le Canadien, et se préparait à disputer dimanche soir un match hors concours, et commençait à sélectionner ses joueurs. C'est ce que je retiens d'une dépêche intitulée "Les huit premiers joueurs retranchés du camp d'entraînement", où je lis :

  • Le Canadien a procédé à sa première réduction de personnel hier en cédant huit joueurs qui devront se rapporter au camp des Bulldogs de Hamilton, à compter de vendredi.

Se rapporter?

Le Petit Robert n'admet pas ce verbe au sens de "se présenter". Le Hanse-Blampain ne parle pas de la question; cet emploi est néanmoins signalé comme anglicisme dans tous les ouvrages canadiens que j'ai consultés, soit le Multidictionnaire, le Dagenais, le Colpron et le Chouinard. Et René Meertens propose plusieurs façons de rendre to report, selon le contexte - mais se rapporter ne figure pas au nombre des équivalents.

Les huit joueurs vont donc se présenter au camp des Bulldogs.

Line Gingras

Un site sur Old Orchard : http://www.proseandphotos.com/old_orchard_beach.htm
"À Old Orchard" :
http://www.ledevoir.com/2005/09/20/90756.html?339
"Les huit premiers joueurs retranchés du camp d'entraînement" : http://www.ledevoir.com/2005/09/20/90760.html

19 septembre 2005

Autant devant un adjectif

Autant incertain que; autant + adjectif + que; adjectif + autant que; autant que après un adjectif; autant et aussi.

  • Il est autant modeste qu'habile.

J'ai eu la chance, pendant les deux premières années du cours secondaire, d'avoir comme professeur de français un homme qui traitait ses élèves non pas comme des cruches à remplir, mais comme des êtres doués d'intelligence qu'il fallait encourager et guider dans leur apprentissage.

Monsieur Laganière, lorsque je soulevais une objection, ne se servait pas de son autorité pour me remettre à ma place; non, il était ravi au contraire : "Allons voir ce qu'en dit Larousse", ordonnait-il avec un large sourire; ou "Allons voir ce qu'en dit Laurence"; c'était selon.

Et toute la classe d'ouvrir dictionnaire ou grammaire, parce que chacun avait son exemplaire, bien sûr. Il paraît que ce n'est pas le cas dans toutes nos écoles aujourd'hui.

J'ai toujours le nez dans les ouvrages de langue, c'est en partie mon métier qui le veut; mais j'aime à croire que mes anciens camarades ont conservé, eux aussi, le réflexe de les consulter au moindre doute.

Tout à l'heure je lisais dans Le Devoir un article de François Brousseau. À propos de l'effet des élections qui ont eu lieu hier en Afghanistan, il écrit :

  • Autant dire que le verdict attendra encore un peu : diagnostic réservé et incertain. Pas autant incertain, toutefois, que celui d'une autre consultation similaire, le mois prochain : le référendum constitutionnel en Irak.

Question : Autant peut-il s'employer immédiatement devant un adjectif?
Réponse : Allons voir ce qu'en dit Robert.

Le Petit Robert, à l'article "autant", ne propose aucun exemple de ce type. Mais ce n'est pas une condamnation.

Allons donc voir ce qu'en disent Hanse et Blampain.

Dans la quatrième édition du Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, je trouve ce qui m'intéresse : "Autrefois, autant pouvait précéder l'adjectif." Mais c'était dans le bon vieux temps. Aujourd'hui, cet adverbe ne s'utilise plus de cette façon; devant un adjectif, il faut le remplacer par aussi. On écrira donc :

Il est modeste autant qu'habile.
MAIS
Il est aussi modeste qu'habile.

Line Gingras

"Élections, élections..." : http://www.ledevoir.com/2005/09/19/90685.html

18 septembre 2005

Approcher la quarantaine

Approcher, approcher de; approcher tel âge; approcher de tel âge; approcher de + complément d'objet indirect; grammaire française; syntaxe du français.

Parmi la neuvaine de candidats à la direction du Parti québécois, l'ancien ministre André Boisclair, possesseur - si je puis en faire la remarque sans que l'on y voie une dépréciation de ses qualités intellectuelles - d'un visage dont l'agrément est un baume pour les yeux fatigués.

Que voulez-vous, je suis comme ça, moi : j'aime les jeux de mots faciles (les autres me passent sous le nez en se précipitant dans les bras des esprits fins) et ne m'intéresse aux idées des politiciens que pour m'y opposer, avec une vigueur aussi sincère que systématique. Deux traits auxquels on reconnaît un véritable rhinocéros femelle de stricte obédience, les amis.

Donc, monsieur Boisclair. À propos de qui Le Devoir m'apprenait cette fin de semaine que jadis il a mené joyeuse vie. Mais ses "écarts de conduite" étaient attribuables à la jeunesse, explique le candidat :

  • J'approche la quarantaine aujourd'hui.

L'âge de la sagesse.

Je ne voudrais pas en faire un fromage, étant donné qu'il s'agit d'une déclaration orale et que les produits laitiers contiennent des gras trans, mauvais pour la santé, mais je désirerais quand même signaler, à toutes fins utiles, que le verbe est construit de façon incorrecte ici : au sens d'"être près, sur le point d'atteindre", approcher appelle un complément d'objet indirect. (Vérifié dans le Petit Robert, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain.)

Monsieur Boisclair approche de la quarantaine. Évidemment que je suis jalouse.

Line Gingras

"Sa vie de fêtard vient hanter Boisclair" : http://www.ledevoir.com/2005/09/17/90616.html
Photo et notes biographiques : http://www.assnat.qc.ca/fra/Membres/notices/b/boia1.shtml

17 septembre 2005

À peu de chose près

À peu de chose près; à peu de choses près.

Je lisais hier l'éditorial de Bernard Descôteaux, dans Le Devoir, lorsque je suis tombée en arrêt devant cette phrase :

  • Le 16 novembre, ce parti sera à peu de chose près le parti qu'on connaît aujourd'hui [...] (C'est moi qui souligne.)

Voilà un singulier qui m'a paru... bien singulier. Ne devrait-il pas se trouver deux ou trois chosettes dans ce peu, si peutit qu'il soit, me suis-je demandé?

Ah. Ce n'est pas ainsi qu'il fallait voir les choses - la chose. Le Petit Robert, à l'article "peu", m'apprend en effet, tout d'abord, que peu de chose veut dire "une petite chose, qqch. d'insignifiant"; ensuite, que l'expression à peu de chose près signifie "presque exactement". Le singulier s'impose donc.

Ç'a ben d'l'allure.

Et comme si ce n'était pas suffisant, Jean Dion écrit aujourd'hui, à propos d'une simple question dont la longueur n'a rien à envier à une phrase de Marcel Proust, qu'elle est "recopiée à peu de chose près à la demande générale".

Ça va ça va, hein, on avait compris.

Line Gingras

"Le PQ tel qu'il est" : http://www.ledevoir.com/2005/09/16/90492.html

16 septembre 2005

Bonheur électoral

Nouvelle diablement réjouissante aujourd'hui : le Parti Rhinocéros est de retour!

Enfin un discours politique pouvant se lire à l'endroit comme à l'envers et spécialement dans tous les sens parce que sans bon sens et refusant de se tenir sens dessus dessous.

Enfin l'absence de suite dans l'incohérence.

Enfin des promesses en l'air, par terre et dans le poêle à bois qui, non accomplies, feront espérer d'une mare à l'autre des lendemains qui rigolent.

Après avoir entendu entre les branches, lorsque j'habitais à Ottawa, que je n'avais pas droit au titre de Québécoise bien que née au Québec et ayant vécu au Québec les vingt-cinq premières années de mon existence, je me passerai de permission et promets solennellement d'encorner quiconque s'y opposera : la présente est une déclaration unilatérale d'appartenance au Parti Rhinocéros renouvelé.

Je m'engage dès maintenant à n'assister à aucune de ses réunions et à ne voter pour aucun de ses éventuels candidats.

Comme tout rhinocéros qui se respecte, je promets aussi de ne pas tenir mes promesses.

Choubine

Où l'on proclame la bonne nouvelle : http://www.ledevoir.com/2005/09/16/90515.html
Site sur Jacques Ferron : http://www.ecrivain.net/ferron/index.cfm?p=1_Vie/bio_details/reperes_bio(1971_1972).htm

15 septembre 2005

Attentats suicides

Attentats suicides; attentats suicide; attentat suicide; missions suicides; missions suicide; mission suicide; timbres-poste; timbre-poste; orthographe d'accord; grammaire française.

Encore des attentats à Bagdad : la routine, quoi. Avec la paix finit par s'installer l'ennui, c'est bien connu. Et l'Irak jouit de la pax americana.

Onze en un seul jour, tout de même. Près de 160 morts, plus de 240 blessés, nous apprend une dépêche.

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Deux fois, dans l'article en question, on utilise au pluriel l'expression attentats suicides - mais en omettant d'accorder suicide.

On ne saurait pourtant faire ici le même raisonnement que pour un nom composé du genre de timbre-poste; ce dernier s'écrit au pluriel timbres-poste, explique André Jouette, parce qu'il s'agit de "timbres pour la poste". Par contre, dans attentats suicides, les attentats sont aussi des suicides, d'où l'accord des deux éléments au pluriel. J'ai relevé d'ailleurs dans le Petit Robert, à l'article "suicide", l'exemple Des missions suicides.

Dommage qu'il faille apprendre les règles s'appliquant à des termes comme ceux-là.

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Note du 6 janvier 2008 : L'édition 2003 du Petit Robert, je viens de le vérifier, donne bien l'exemple Des missions suicides. Je trouve cependant Des missions suicide, au même article, dans l'édition 2007. Allez savoir pourquoi.

Line Gingras

Article sur les attentats : http://www.ledevoir.com/2005/09/15/90432.html

14 septembre 2005

Coup de tonnerre

Un nouveau billet vient de paraître dans La plume heureuse.

Bien sûr que non, l'annonce comme telle ne mérite pas un titre aussi fracassant. Mais c'est qu'il y a de l'orage dans l'air...

lg

Par ici la visite : http://laplumeheureuse.canalblog.com

13 septembre 2005

Une soirée de chant choral

Hier soir, première répétition de l'Ensemble vocal André Martin, dont je fais partie depuis mon retour à Québec, l'an dernier.

Qu'est-ce que nous préparons? À l'automne de 2004, c'était un concert sur le thème de la chasse, évocateur de forêts d'or et de grandes chevauchées; au printemps de 2005, des "chants de la destinée", avec au programme des oeuvres de Mendelssohn, Brahms et Bruckner. Cette année nous donnerons un concert de Noël, le samedi 10 décembre; et ce soir-là...

Dans la céleste chapelle des Soeurs de Saint-Joseph-de-Saint-Vallier, on entendra du Bach, du Carissimi; mais aussi, entre autres petites choses, des motets de Francis Poulenc et des oeuvres toutes chaudes de notre chef, André Martin.

Nous avons étrenné hier soir, en particulier, un motet à cinq voix daté du 15 août 2005, Omnes de Saba venient... J'ai encore, frais à la mémoire, le mystère, les parfums, les sonorités de l'Orient. Une marche longue, très longue, un défilé interminable dans le désert. Et la perfidie d'Hérode, et l'avertissement de l'ange.

Ce sera beau.

Line Gingras

Pour en savoir davantage sur l'Ensemble vocal André Martin : http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=Q1ARTQ0001138

12 septembre 2005

On estime que les estimations...

"Quinze jours après le passage du cyclone Katrina, les responsables des secours ont estimé hier que le bilan des morts pourrait être nettement inférieur aux premières estimations", peut-on lire dans une dépêche.

J'estime pour ma part que cette phrase n'aurait pas trop souffert d'une relecture, et je m'interroge sur ce qu'on nous présente comme "premières estimations".

Alors que la semaine dernière on avançait le chiffre de 10 000 morts, aujourd'hui on nous annonce, ah! la bonne nouvelle, que le total provisoire s'établirait à un peu moins de 400. Réjouissons-nous donc, la situation n'est pas si mauvaise après tout : l'incompétence des autorités américaines aura été moins meurtrière, dans ce cas-ci, que le terrorisme international.

Ah! l'émotivité, les petites erreurs que ça fait commettre. Au lendemain du 11 septembre 2001, si ma mémoire est fidèle, on avançait prudemment le chiffre de 6000 morts, soit le double du nombre réel de victimes; après le passage de Katrina, il semble qu'on ait multiplié par 25 - faut croire que le maire de La Nouvelle-Orléans est quelqu'un de bien impressionnable.

Cette hypersensibilité, si efficace pour préparer les esprits, ne doit pas déplaire à monsieur Bush et à ses conseillers.

Line Gingras

L'article en question : http://www.ledevoir.com/2005/09/12/90208.html

11 septembre 2005

Jour de septembre

Il faisait si bon ce matin-là
Le soleil était si chaud
Rappelez-vous
Le ciel d’un bleu si tendre

Jamais nous ne reverrons
Si beau jour de septembre

lg

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