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Choux de Siam
27 septembre 2005

Supposer

Supposer que, être supposé + infinitif, être supposé de + infinitif, être censé + infinitif, supposer + infinitif, supposer de + infinitif, supposer quelqu'un de + infinitif, supposer quelqu'un d'avoir fait quelque chose.

Denise Bombardier et Gil Courtemanche posaient des questions intéressantes, dans Le Devoir de la fin de semaine dernière, à propos de l'affaire Boisclair - il s'agit de cet ancien ministre, jeune candidat à la direction du Parti québécois (il n'a pas quarante ans), qui a admis avoir consommé de la cocaïne à quelques reprises alors qu'il exerçait des fonctions ministérielles.

Vous trouverez plus bas des liens vers ces articles, mais vous me connaissez ou me connaîtrez bientôt : toujours à la recherche de la petite bête...

  • Dans quelle société vivons-nous pour que l'aveu d'un geste de nature criminelle propulse la personne qui l'a posé plus avant dans le concours de popularité et que celle dont on suppose l'entourage d'avoir laissé filtrer la nouvelle perde des appuis? (Denise Bombardier.)

D'un point de vue grammatical, on peut très bien soupçonner ou accuser une personne ou un groupe d'avoir fait quelque chose; on peut aussi supposer qu'une personne ou un groupe a fait quelque chose. Mais peut-on supposer une personne ou un groupe d'avoir fait quelque chose?

Cette construction me semble pour le moins étrange. Madame Bombardier aurait-elle hésité sur le choix du verbe, remplacé soupçonner ou accuser par supposer, puis oublié de modifier la structure de sa phrase? C'est possible; voyons en tout cas ce qu'en disent les ouvrages de langue.

J'en ai consulté une quinzaine - dictionnaires généraux, ouvrages de difficultés, grammaire. Tous ceux qui parlent du verbe supposer reçoivent, bien entendu, la construction supposer que; celle-ci est suivie, d'après Hanse et Blampain, de l'indicatif, du conditionnel ou du subjonctif, selon le sens.

Hanse et Blampain admettent aussi être supposé suivi d'un infinitif, sans de :

Il est supposé avoir compris.

Frèdelin Leroux fils a d'ailleurs relevé cette construction chez plusieurs auteurs. Marie-Éva de Villers, pour sa part, signale comme fautive la forme être supposé de, calque de "to be supposed to"; il faudrait dire Elle est censée venir, et non pas Elle est supposée de venir.

Dans le Trésor de la langue française informatisé, je lis que supposer peut être suivi d'une proposition complétive avec verbe à l'infinitif - mais sans de :

[...] sa mère lui avait remis le portrait de celui qu'elle supposait être son père. (Maupassant.)

Hanse et Blampain pourraient avoir l'air de tolérer, en le déconseillant, le tour qui nous intéresse. Dans la quatrième édition, on trouve en effet ce passage, un peu trop imprécis à mon goût : "L'emploi de supposer de devant un infinitif est peu courant. On dira plutôt : supposer que..." Heureusement, j'ai toujours la troisième édition, qui contient un exemple très utile :

Cet élargissement supposerait de trouver un programme de gouvernement. (Le Figaro.)

J'y remarque deux éléments qui me paraissent essentiels : premièrement, la construction tolérée, ce n'est pas supposer quelqu'un de + infinitif, mais supposer de + infinitif; deuxièmement, supposer n'a pas ici le sens de "croire", "présumer", "penser", mais celui d'"impliquer", de "comporter comme nécessairement lié".

À mon avis, la construction supposer quelqu'un de + infinitif doit donc être tenue pour incorrecte. Par quoi pourrait-on la remplacer, sans modifier le sens ni alourdir la phrase? Je suggérerais un conditionnel : au lieu de "celle dont on suppose l'entourage d'avoir laissé filtrer la nouvelle", j'écrirais "celle dont l'entourage aurait laissé filtrer la nouvelle".

Line Gingras

"Questions" : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91095.html
"Passer à autre chose" : http://www.ledevoir.com/2005/09/24/91135.html

Commentaires
C
Ravie que tu sois venue, cousine Rainette! Ici, c'est un peu comme chez toi, au fond : y a de tout et de rien. Tu es tombée sur un exposé terriblement aride, mais tiens : pour aujourd'hui, on va s'offrir une petite distraction.<br /> <br /> Oui, je vis à Québec, où je suis revenue l'an dernier, après vingt-quatre ans à Ottawa. Ainsi que me le répète un ami qui est resté là-bas - mais qui vient en fin de semaine admirer le Queen Mary II, pendant son escale de samedi -, j'habite tout près du pôle Nord. (Il exagère, quand même.)
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R
Ouhhh làààà pour une première visite je tombe sur un problème grammatical insoluble et vachement casse-tête !!!!<br /> Promis, je vais soigner mes constructions !!! Et repromis, je reviendrais lire plus longuement ta prose ! Si en plus tu es du pays des neiges presques éternelles et du St Laurent, tu es forcément ma cousine !!!;-)
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