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Choux de Siam
4 mai 2006

Cet halo de secret...

Halo; h aspiré; grammaire française.

  • Cet halo de secret entourant la visite de M. Préval détonne avec les protocoles d'accueil en vigueur sous l'ancien gouvernement. (Hélène Buzzetti.)

Ainsi que l'indiquent le Petit Robert (voir la prononciation figurée) et le Multidictionnaire, la lettre initiale de halo est un h aspiré :

Le halo des réverbères dans le brouillard. (Petit Robert.)
Le halo de la gloire, du pouvoir. (Multidictionnaire.)

C'est dire que la liaison est impossible, comme l'élision, et qu'on ne peut donc pas faire précéder halo du démonstratif cet, que l'on emploie devant une voyelle ou un h muet.

Line Gingras

«Stephen Harper reçoit René Préval en catimini» : http://www.ledevoir.com/2006/05/02/108159.html

29 avril 2006

Une bonne partie de ces élèves...

Partie - une partie de et l'accord du verbe; accord du verbe ayant pour sujet un nom collectif; orthographe d'accord; grammaire française; syntaxe du français.

  • Une bonne partie de ces élèves avaient lu mon conte pour enfants et avait tout compris. (Gil Courtemanche.)

Ainsi que l'expliquent Hanse et Blampain, le verbe ayant pour sujet un nom collectif, comme foule, majorité, multitude, nombre (grand ou petit), partie, quantité, totalité, s'accorde en général avec ce nom si celui-ci n'est pas suivi d'un complément :

La foule se pressait sur la place.

Cependant, si le collectif est suivi d'un complément au pluriel (ou s'il est clair qu'un tel complément est sous-entendu, d'après le contexte qui précède), «c'est le sens ou l'intention qui règlent l'accord ou laissent parfois le choix» :

La foule des curieux fut coupée en deux par le service d'ordre.

Les tribus se révoltèrent, mais bientôt une partie se soumirent. (On aurait pu aussi employer le singulier, à mon avis.)

Dans la phrase qui nous intéresse, on avait la possibilité, en optant pour le singulier ou pour le pluriel, de mettre l'accent soit sur un groupe d'élèves (une bonne partie), soit sur les différents individus qui le composent :

Une bonne partie de ces élèves avait lu mon conte pour enfants et avait tout compris.

Une bonne partie de ces élèves avaient lu mon conte pour enfants et avaient tout compris.

Les deux façons de faire pouvaient se justifier. Mais il fallait en choisir une.

Line Gingras

«Bilingue dans sa propre langue» : http://www.ledevoir.com/2006/04/29/107970.html

28 avril 2006

Sur la colline...

Colline parlementaire; colline du Parlement; Parliament Hill; usage.

  • Dès que des manifestants se pointent sur la colline parlementaire ou qu'un groupe de pression formule une demande au gouvernement conservateur [...] les journalistes d'Ottawa sortent la blague à la mode... (Alec Castonguay.)

Lorsqu'on entre au Bureau de la traduction de l'administration fédérale, on apprend vite que Parliament Hill, désignant le lieu où se trouvent les principaux édifices du gouvernement du Canada, doit se rendre par colline du Parlement, et non par colline parlementaire. Ce qui ne veut pas dire que l'appellation à éviter soit absente de la langue des fonctionnaires, loin de là...

Dans une capsule de la série Le français au micro, de Radio-Canada, je lis par ailleurs que l'on appelle colline Parlementaire, en revanche, «l’emplacement où est érigé l’immeuble du Parlement à Québec». (C'est moi qui souligne.)

Line Gingras

«Perspectives - Séduire au Tim Hortons» : http://www.ledevoir.com/2006/04/26/107610.html?338

27 avril 2006

Elle s'est faite sortir du match

Se faire + infinitif; s'être fait + infinitif; accord du participe passé du verbe faire suivi d'un infinitif; grammaire française; orthographe d'accord.

  • Et si la Caroline ne s'est pas faite sortir du match à ce moment, elle le doit carrément à Ward. (Jean Dion.)

Oui, je profite lâchement de ce que la section sportive du Devoir ait dû rédiger à toute allure son article sur le dernier match du Canadien, mercredi soir 26 avril, pour vous parler enfin de l'accord du participe passé du verbe faire suivi d'un infinitif.

Voici ce qu'on peut lire à ce sujet dans la douzième édition du Bon usage, au paragraphe 915, remarque 2 : «Le participe fait suivi immédiatement d'un infinitif est toujours invariable, parce qu'il fait corps avec l'infinitif et constitue avec lui une périphrase factitive...»

Les exemples donnés par Grevisse, et ceux que l'on trouve dans le Hanse-Blampain, confirment que le participe employé à la forme pronominale n'échappe pas à cette règle :

Ils se sont fait porter malades.
Elle s'est fait connaître.
Les costumes qu'il s'est fait faire.
Je les ai fait combattre, et voilà qu'ils sont morts! (Hugo.)
Je les ai fait chercher partout. (Académie.)

Line Gingras

«Les Hurricanes reprennent vie» : http://www.ledevoir.com/2006/04/27/107700.html

26 avril 2006

Notre méfiance de la France

Méfiance de; grammaire française; syntaxe du français.

  • Notre historique méfiance de la France, mauvaise mère patrie aux yeux de trop nombreux Québécois... (Denise Bombardier.)

D'après les dictionnaires consultés, l'objet de la méfiance est amené généralement par les prépositions ou locutions prépositives à l'égard de, à l'endroit de, contre, envers, pour :

Elle éprouve de la méfiance à l'égard de cette personne trop aimable : elle ne lui fait pas confiance. (Multidictionnaire.)

Cette hostilité [au suffrage universel] est attribuée à un esprit de méfiance et de crainte à l'égard des masses populaires... (Bainville, dans le Trésor.)

Au fond, il y avait toujours en elle la méfiance d'une femelle pour une femelle d'une autre race. (Simenon, dans le Lexis.)

Elle avait pour le papier noirci une méfiance de paysan... (Rolland, dans le Trésor.)

On peut aussi, en principe, employer la préposition de; cette construction figure dans le Trésor, mais avec la mention «rare» :

Ma méfiance de moi demeurait profonde. (Maurois.)

En Allemagne, dès qu'on s'écarte des milieux militaires, on constate une méfiance assez générale de l'armée et du nationalisme. (Martin du Gard.)

Line Gingras

«Démériter» : http://www.ledevoir.com/2006/04/22/107328.html?338

25 avril 2006

Accorder priorité

Accorder priorité; accorder la priorité; give priority; grammaire française; syntaxe du français.

  • Aussi met-il certains espoirs dans l'élection, en février, de René Préval, qui a promis d'accorder priorité à l'éducation et à la santé des enfants pendant son mandat. (Guy Taillefer.)

Est-il correct d'écrire accorder priorité sans article? S'agit-il d'une locution verbale?

J'ai trouvé les tours avoir la priorité et avoir priorité dans les dictionnaires que j'ai consultés :

Avoir la priorité dans un débat. (Trésor de la langue française informatisé.)

Les ambulances et les pompiers ont la priorité dans les rues. (Multidictionnaire.)

Aux États-Unis [...] la Chambre des Représentants et le Sénat ont des pouvoirs équilibrés, la première ayant priorité en matière financière... (Vedel, dans le Trésor.)

Véhicule qui a priorité sur un autre à un croisement. (Petit Robert.)

Toutefois, dans tous les exemples que j'ai notés où le verbe admet un complément d'objet second introduit par la préposition à, priorité est précédé de l'article :

Donner la priorité absolue à quelque chose. (Petit Robert.)

Laisser, refuser la priorité à une voiture. (Petit Robert.)

Laisser la priorité aux conducteurs qui viennent de droite dans un carrefour. (Lexis.)

... la priorité est donnée aux transports collectifs. (Belorgey, dans le Trésor.)

J'ai aussi consulté les mêmes ouvrages à l'article «accorder» (au sens de consentir), mais ils ne fournissent aucun exemple avec priorité comme complément d'objet direct - aucun exemple, non plus, de locution verbale qui serait formée avec un autre nom. D'après ce que je peux voir, le complément d'objet direct du verbe accorder s'accompagne d'un déterminant (article ou adjectif déterminatif) :

Accorder à quelqu'un l'autorisation de faire quelque chose. (Hanse et Blampain.)

Je crois donc qu'il aurait mieux valu écrire :

... René Préval, qui a promis d'accorder la priorité à l'éducation et à la santé des enfants pendant son mandat.

Line Gingras

«Haïti - L'UNICEF lance un S.O.S.» : http://www.ledevoir.com/2006/03/23/104999.html

21 avril 2006

Des rapports dévastateurs

Dévastateur; rapport dévastateur; devastating; anglicisme; usage.

  • Une politique de respect des droits humains, estime le RRSE [Regroupement pour la responsabilité sociale et l'équité], serait d'autant plus opportune que Bombardier est en phase d'expansion en Chine, un pays contre lequel les rapports dévastateurs s'accumulent sous cet aspect. (Louis-Gilles Francoeur.)

Dévastateur, d'après le Trésor de la langue française informatisé, se dit au sens propre soit d'un animé, d'une force humaine ou naturelle qui détruit ou endommage gravement un lieu, ses richesses, sa population, soit d'une force inanimée qui, s'attaquant à l'homme, apporte la maladie, la mort :

Cyclone, ouragan, torrent, volcan dévastateur.

Le phylloxéra, la bête dévastatrice pullulait. (Pesquidoux, dans le Trésor.)

Guerre, lutte, révolution dévastatrice.

Rien ne permet de savoir [...] si telle ou telle épidémie ne se transformera pas en une dévastatrice pandémie quasi mondiale. (Schwartz, dans le Trésor.)

Au figuré, toujours selon le Trésor, il qualifie une passion, un sentiment violent, un mal intérieur «qui apporte le désordre, la destruction à l'intérieur de l'être» :

On peut prendre les passions comme des forces dévastatrices, en soi-même et chez les autres. (Alain, dans le Trésor.)

Je croyais ne pouvoir aimer que d'une manière sauvage, dévastatrice, à la Byron. (Gide, dans le Petit Robert.)

Nous sommes loin des rapports accablants dont le journaliste a voulu faire état; c'est que dévastateur n'a pas toutes les acceptions de l'anglais devastating. J'ai trouvé divers équivalents de ce dernier dans le Guide anglais-français de la traduction, de René Meertens, et dans le Robert & Collins Super Senior.

Line Gingras

«Les religieuses investisseuses s'attaquent à Alcan et à Bombardier» : http://www.ledevoir.com/2006/04/05/106086.html

20 avril 2006

C'est prévu lundi

Prévoir + indication de la date; prévoir + indication du jour; prévu + indication de la date; prévu + indication du jour; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le passage au format tabloïd du quotidien Le Soleil, qui est prévu lundi prochain, est actuellement remis en question. (Paul Cauchon.)

Faut-il dire qui est prévu lundi ou qui est prévu pour lundi?

Je n'ai trouvé qu'un exemple, dans les onze ouvrages consultés, où le verbe prévoir est employé avec l'indication de la date à laquelle un événement doit avoir lieu :

La réunion est prévue pour la semaine prochaine. (Hanse et Blampain.)

Line Gingras

«Le Soleil en eaux troubles» : http://www.ledevoir.com/2006/04/19/107064.html

19 avril 2006

L'antécédent et la relative

Antécédent du pronom personnel; proposition relative; parallélisme; grammaire française; syntaxe du français.

  • La Loi sur la statistique, dont l'article 17 protège les renseignements personnels, prévoit déjà plusieurs exceptions. Il dit bien : «Sous réserve des autres dispositions du présent article...» (Stéphane Baillargeon.)

Le pronom personnel qui commence la deuxième phrase a beau être du masculin singulier, le lecteur cherche d'abord à le rattacher au sujet de la phrase précédente, même si celui-ci est un nom féminin, avant de se rendre compte que l'antécédent est un autre terme (l'article 17). L'hésitation n'aura duré qu'un instant, c'est certain, mais un malaise persiste. Et l'on n'a qu'à imaginer, à la place du nom féminin, un autre substantif masculin singulier pour se convaincre que cette gêne est justifiée :

Le Règlement sur la statistique, dont l'article 17 protège les renseignements personnels, prévoit déjà plusieurs exceptions. Il dit bien...

Le pronom il a tout l'air de renvoyer à Règlement; on aura besoin de la suite de la phrase pour dissiper le malentendu (sans gravité, en l'occurrence). Quelle est la cause de cette hésitation? Je ne crois pas qu'il existe une règle là-dessus; mais c'est une réaction que j'aimerais expliquer.

La première phrase du passage à l'étude se compose de deux propositions, dont la principale pourrait former à elle seule une phrase complète : La Loi sur la statistique prévoit déjà plusieurs exceptions. À cet énoncé de base s'ajoute une subordonnée relative explicative, dont l'article 17 protège les renseignements personnels, qui fournit une information accessoire - ou présentée comme telle - se rapportant à la Loi sur la statistique. Mais voilà, cette proposition subordonnée est en relation avec le sujet de la première phrase; elle n'est pas sur le même plan que la phrase suivante. En outre, l'esprit met spontanément en parallèle le nom sujet de la proposition principale (ou de la proposition indépendante) avec le pronom personnel sujet de la phrase suivante, comme le montrent ces exemples :

Cette jeune mère, dont c'était la première journée de travail à l'extérieur de la maison, a conduit sa fille à la garderie ce matin. Elle avait les larmes aux yeux en l'embrassant.

Il ne fait pas de doute que c'est la mère qui avait les larmes aux yeux.

Ce jeune père a conduit sa fille à la garderie ce matin. Elle avait les larmes aux yeux en l'embrassant.

Cet enchaînement, même après que l'on a trouvé - facilement, il est vrai - les antécédents des pronoms sujet (elle) et complément (l'), ne paraît pas aussi naturel que le précédent.

Cette jeune mère, dont c'était la première journée de travail à l'extérieur de la maison, a conduit sa fille à la garderie ce matin. Elle semblait ne devoir jamais se terminer.

On finit par comprendre qu'il est question de la journée...

Mais revenons au passage qui nous occupe. Je proposerais une légère reformulation pour résoudre la difficulté :

La Loi sur la statistique prévoit déjà plusieurs exceptions; l'article 17, qui protège les renseignements personnels, dit bien : «Sous réserve des autres dispositions du présent article...»

Line Gingras

«Recensement - Statistique Canada offre l'anonymat éternel» : http://www.ledevoir.com/2006/04/18/107022.html

18 avril 2006

En compagnie de

En compagnie de et  l'antécédent du pronom personnel; en compagnie de et le sujet du verbe; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le Dr Craig Willcox s'intéresse à la longévité des gens d'Okinawa depuis plus de 25 ans. En compagnie de son frère jumeau, le professeur Brad Willcox, et du Dr Makoto Suzuki, ils recensent les centenaires et suivent de près leur état de santé. (Eugénie Francoeur.)

Sans doute y a-t-il trois scientifiques qui recensent les centenaires et suivent de près leur état de santé; seulement, la journaliste n'a pas présenté cette information en coordonnant les noms des trois chercheurs au moyen de la conjonction et, de manière à en faire les sujets des deux verbes - elle s'est servie plutôt de la locution en compagnie de, qui introduit un complément circonstanciel.

Le Dr Craig Willcox recense les centenaires et suit de près leur état de santé, en compagnie de son frère jumeau et du Dr Suzuki; voilà ce qu'elle nous dit. Le pronom sujet, ayant pour antécédent un terme désignant une seule personne, devrait donc être au singulier, de même que les deux verbes dont il gouverne l'accord.

Line Gingras

«Voyage au coeur d'un monde idéal» : http://www.ledevoir.com/2006/04/15/106951.html

15 avril 2006

Cela étant dit, cela étant, cela dit, ceci dit

Ceci dit, cela dit; cela étant, cela étant dit, ceci étant, ceci étant dit; usage.

  • Bien sûr, le Bloc québécois, comme le Parti québécois, a le devoir de défendre les intérêts du Québec et donc d'éliminer le déséquilibre fiscal, qui risque de se transformer en déséquilibre social. Cela étant dit, éliminer le déséquilibre fiscal, ce n'est pas évacuer la souveraineté. (Gilles Duceppe.)

Je vois souvent, dans le journal, les expressions cela étant dit ou cela étant, là où j'attendrais cela dit. Cette fois-ci je vais tâcher d'en avoir le coeur net : ces trois tours sont-ils admis dans les dictionnaires? Et dans quelle mesure ceci concurrence-t-il cela?

Sur les treize ouvrages consultés, aux articles « ceci » et « cela », neuf abordent la question; un seul (le Trésor de la langue française informatisé) reçoit explicitement les expressions cela étant, cela étant dit, ceci étant dit; les autres ne mentionnent que cela dit et ceci dit. Il semble donc que toutes ces expressions doivent être tenues pour correctes (j'inclurais ceci étant), mais que cela dit et ceci dit soient à préférer :

Cela dit, le problème subsiste. (Petit Robert.)

Cela dit, il faut bien constater que... (Thomas.)

Ceci dit, la solution proposée comporte de nombreux avantages. (Multidictionnaire.)

Martin, je te félicite de ton exactitude. Ceci dit, passe-moi la valise. (Romains, dans le Trésor.)

Certains auteurs, il est vrai, recommandent d'éviter ceci dit, étant donné que ceci, en principe, « annonce ce qui va venir » (Chouinard); cette locution, d'après ce que je peux voir dans le Petit Robert, le Hanse-Blampain, le Multidictionnaire, le Chouinard et le Trésor, est cependant passée dans l'usage. Selon Marie-Éva de Villers, elle est synonyme de cela dit et les deux peuvent s'utiliser, même si la dernière « est aujourd'hui la plus fréquemment employée ». Hanse et Blampain font observer qu'en général, « cela tend à l'emporter nettement sur ceci en dehors des cas où il y a opposition »; ils ajoutent pourtant que « cela dit est souvent remplacé par ceci dit ».

Faut-il comprendre que ceci dit, à leur avis, et contrairement à ce qu'estime Marie-Éva de Villers, serait la plus courante des deux expressions? C'est en tout cas l'opinion des rédacteurs du Trésor, mais les premiers volumes de cet ouvrage monumental ont paru en 1971...; les choses ont pu changer depuis. Une petite recherche au moyen de google.ca donne 3 920 000 occurrences pour ceci dit, et 4 410 000 pour cela dit.

Les deux tours sont donc très communs; mais je continuerai pour ma part, ne serait-ce que pour l'euphonie, d'employer cela dit*.

Line Gingras

* Précision apportée le 10 janvier 2013 : À propos d'un autre billet, Marc81 me fait le commentaire suivant : « Peut-être pourriez-vous ajouter en guise d'information, dans ledit billet de 2006, l'avis de l'Académie française : "Cela dit, il quitta la séance. • En ce dernier sens, on évitera d'employer Ceci dit, qui se répand fâcheusement aujourd'hui" (9e édition de son Dictionnaire). Par ailleurs, l'Académie enregistre "Cela dit, cela étant". »

« "Être ou ne pas être" » : http://www.ledevoir.com/2006/04/14/106764.html

14 avril 2006

Mésestimer

Mésestimer; impropriété; usage.

  • ... la valeur déclarée des exportations est d'évidence sous-évaluée.

    On évalue officiellement à 14 millions de dollars la valeur moyenne des armes légères exportées chaque année par le Canada. Dans les faits, note le chercheur, ce montant mésestime considérablement la valeur réelle des exportations, principalement en raison du fait...
    (Guy Taillefer.)

Mésestimer quelqu'un ou quelque chose, c'est en avoir mauvaise opinion, en faire trop peu de cas, ne pas l'apprécier à sa juste valeur. D'après le Trésor de la langue française informatisé, le sujet de ce verbe, à la forme active, désigne une personne ou un ensemble de personnes :

Je crois que les dirigeants ont alors mésestimé le peuple français. (Gide, dans le Trésor.)

Il souffrait de se sentir mésestimé de ses contemporains. (Lexis.)

J'avais mésestimé la prudence des grands prélats... (Cocteau, dans le Trésor.)

... une guirlande de cette fleur trop mésestimée aujourd'hui. (Mallarmé, dans le Trésor.)

Hanse et Blampain font observer que mésestimer «est souvent remplacé par sous-estimer», qui veut dire «estimer au-dessous de sa valeur, de son importance» (Petit Robert) :

Nous avions sous-estimé la dégradation de la situation financière. (Girodet.)

Sous-estimer est certainement plus approprié pour parler d'une quantité mesurable ou d'une somme d'argent; mais ce verbe aussi, il me semble, devrait avoir pour sujet un nom (ou un pronom) désignant une personne ou un groupe de personnes.

Quoi qu'il en soit, il y aurait lieu de reformuler le passage qui nous intéresse, de manière à supprimer certaines répétitions. Je proposerais :

... la valeur déclarée des exportations est d'évidence sous-estimée.

On établit officiellement à 14 millions de dollars, en moyenne, les ventes annuelles d'armes légères par le Canada [ou : les ventes d'armes légères qu'effectue chaque année le Canada]. Toutefois, note le chercheur, ce montant est très inférieur au chiffre réel, principalement en raison du fait...

Line Gingras

«Exportations d'armes légères : le Canada montré du doigt» : http://www.ledevoir.com/2006/04/13/106692.html

13 avril 2006

Décrier un problème

Décrié; décrier; un problème décrié; décrier un problème; québécois et canadien; impropriété; usage.

  • Le CPI [Conseil des partenaires pour l'innovation] avait demandé en février que le gouvernement, dès juin 2006, commence à régler ce problème tant décrié. (Antoine Robitaille.)

Décrier quelqu'un, d'après le Trésor de la langue française informatisé, c'est nuire à sa réputation, «lui faire perdre son autorité morale» :

Un air de libertinage qui les décrie auprès des personnes raisonnables. (Sainte-Beuve, dans le Petit Robert.)

Toujours selon le Trésor, décrier une chose, c'est mettre en doute sa valeur :

Chacun de ces Hippocrates criait que son élixir était le seul qui fût bon, et décriait les autres. (Rolland, dans le Trésor.)

Le participe passé et adjectif décrié a des emplois correspondants; il signifie «contesté, critiqué» (Petit Robert), «qui a mauvaise réputation, qui n'inspire plus/pas confiance» (Trésor) :

[Zola] décrié injustement par ceux qui ne l'ont jamais lu. (Duhamel, dans le Petit Robert.)

Un livre jadis admiré, aujourd'hui exagérément décrié. (Lexis.)

Une opinion publique s'est formée, favorable à l'emploi d'un combustible [le charbon] longtemps décrié. (Schneider, dans le Trésor.)

Il me semble donc qu'on ne saurait l'utiliser à propos d'un problème, en particulier d'un problème reconnu comme celui dont il est question, soit le sous-financement des universités. Je pense plutôt que le journaliste a voulu parler, ici, d'un problème tant de fois signalé, si souvent dénoncé, ou peut-être même criant...

* * * * *

  • ... les droits de scolarité gelés au Québec depuis trop longtemps, ce qui crée, disent-ils, des «problèmes de financement structurels» et creuse de plus en plus un écart inquiétant entre les universités québécoises et canadiennes.

Tant que le Québec fait partie du Canada, ses universités comptent parmi les établissements canadiens; il aurait fallu écrire, par conséquent :

... entre les universités québécoises et les autres universités canadiennes.

* * * * *

  • La directrice de cabinet, Isabelle Perras, souligne que le MDEIE [ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation] a vu son budget augmenter, dont 19% d'augmentation en innovation et en recherche.

Le pronom relatif dont ne se rattache à rien, il n'a pas d'antécédent; on ne peut donc pas se contenter de supprimer d'augmentation. Quelques possibilités de reformulation :

... a vu son budget augmenter - au chapitre de l'innovation et de la recherche, par exemple, où la hausse a été de 19%.

... a vu son budget augmenter : ainsi, au chapitre de l'innovation et de la recherche, on a enregistré une hausse de 19%.

Line Gingras

«Fronde anti-Charest dans le milieu de la recherche» : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/ledevoirredir.cgi?http://www.ledevoir.com/2006/04/12/106606.html

12 avril 2006

Demander à ce que

Réouvrir ou rouvrir; réouvert ou rouvert; rouverture ou réouverture; demander à ce que; construction; grammaire française; syntaxe du français.

  • Quant au Bloc québécois, il a demandé à que ce qu'Ottawa réouvre son entente signée avec le gouvernement [...] Selon cette entente, le gouvernement ne se conserve pas le droit de rendre visite à ces prisonniers. Les Pays-bas, aussi présents en Afghanistan, se sont conservé un tel droit dans son entente signée avec le gouvernement afghan. (Hélène Buzzetti.)

Si je vous disais que je n'ai pas remarqué ce malheureux à que ce qu' à la première lecture, ni d'ailleurs à la deuxième, vous me croiriez? Peu importe, je vous le dis.

Mais bon, il y a plus intéressant. Je me suis fait la réflexion que l'on pourrait alléger la phrase en employant  demander que, de préférence à demander à ce que. Et puis j'ai eu un doute : la deuxième construction exprimerait-elle une nuance particulièrement subtile? Le Petit Robert m'a vite éclairée là-dessus : «(Fautif) Demander à ce que...»

Ce tour n'est pas mentionné dans le Multidictionnaire. Le Hanse-Blampain donne toutefois cet avis, qui me paraît judicieux : «... malgré des exemples de bons écrivains, on évite demander à ce que, inutile et lourd.»

* * * * *

D'après les dix ouvrages que j'ai consultés là-dessus, il faut dire réouverture et non rouverture, mais rouvert et non réouvert, rouvrir et non réouvrir. Caprice de l'usage.

Celui-ci pourrait bien être en train d'évoluer, cependant. Pas en ce qui concerne le substantif; mais une recherche au moyen de Google (google.ca), si elle indique une fréquence nettement plus élevée pour rouvrir (825 000 occurrences, contre 275 000 pour réouvrir - chiffre quand même respectable, il me semble), met rouvert (274 000) et réouvert (266 000) presque à égalité. Il resterait à voir les formes conjuguées...

Line Gingras

«Débat à la Chambre des communes - Les quatre partis réaffirment leur appui aux soldats canadiens en Afghanistan» : http://www.ledevoir.com/2006/04/11/106520.html

10 avril 2006

Désir pour...

Désir pour; désir de; a desire for; calque de l'anglais; construction; grammaire française; syntaxe du français.

  • Ce désir pour une ligne Maginot de l'économie... (Serge Truffaut.)

Bien entendu, il est correct de dire que l'on éprouve du désir pour quelqu'un; dans une construction de ce genre, le complément amené par la préposition pour se rattache au verbe. Mais qu'en est-il lorsque c'est le substantif désir lui-même qui est complété?

Aucun des ouvrages de difficultés que j'ai sous la main n'aborde la question. Les dictionnaires de langue (Petit Robert, Lexis, Trésor de la langue française informatisé) proposent plusieurs exemples où la préposition de introduit un infinitif :

Des paroles inspirées par le désir d'être agréable. (Lexis.)

Le Petit Robert et le Trésor relèvent en outre des exemples où le complément est un nom; dans tous les cas, celui-ci, comme l'infinitif, est amené par la préposition de :

Un désir de changement. (Petit Robert.)

Comme son désir d'évasion était vif, Joseph Pasquier allait se dérober, mais il pensa qu'il ne fallait jamais refuser de la publicité gratuite. (Duhamel, dans le Trésor.)

Il y a lieu de croire que l'emploi de pour, dans la phrase à l'étude, est attribuable à l'influence de l'anglais : le Robert & Collins Super Senior propose de rendre a desire for peace par un désir de paix...

Line Gingras

«Union malade» : http://www.ledevoir.com/2006/04/10/106414.html

8 avril 2006

Talon d'Achille

Talon d'Achille; talons d'Achille; usage.

  • Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a essuyé pour la première fois hier les tirs croisés de l'opposition lors de la période de questions. Et c'est son talon d'Achille le plus évident que les partis ont visé : l'environnement. (Alec Castonguay.)

La mère d'Achille, m'apprend le Petit Robert des noms propres, afin de rendre son fils immortel, le plongea dans les eaux du Styx en le tenant par le talon, qui resta le seul endroit vulnérable de son corps.

Tout être d'exception a son talon d'Achille. La perfection n'étant pas de ce monde, le gouvernement de M. Harper aimerait sans doute se trouver dans ce cas; le journaliste laisse toutefois entendre qu'il a plus d'un point faible, que ses adversaires finiront bien par découvrir.

Line Gingras

«Ottawa abandonnerait plusieurs programmes environnementaux» : http://www.ledevoir.com/2006/04/07/106283.html

7 avril 2006

De toute pièce

De toutes pièces; de toute pièce; orthographe d'usage.

  • ... il veut maintenant construire de toute pièce en Floride une ville gouvernée en stricte conformité avec le dogme catholique... (Guy Taillefer.)
  • ... en l'espace de 15 semaines, monter de toute pièce un spectacle de marionnettes... (Marie-Andrée Chouinard.)

D'après les neuf ouvrages que j'ai consultés - dictionnaires généraux et ouvrages de difficultés -, la locution adverbiale de toutes pièces s'écrit toujours au pluriel :

Si l'auteur d'un livre créait de toutes pièces l'histoire qu'il raconte, elle n'aurait de sens pour personne d'autre. (Quignard, dans le Petit Robert.)

Il s'était donc créé de toutes pièces une vie de complications et de drames. (Camus, dans le Colin.)

Il vit dans un univers irréel que son imagination mystique a créé de toutes pièces. (Martin du Gard, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Line Gingras

«Prier avec le pape de la pizza» : http://www.ledevoir.com/2006/04/06/106185.html
«Des marionnettes pour crier sa douleur» : http://www.ledevoir.com/2006/04/07/106319.html

5 avril 2006

Énumération et parallélisme

Énumération et parallélisme; présentation des éléments d'une énumération; grammaire française; syntaxe du français.

  • Les griefs qu'il nourrit à son endroit sont multiples : incompétence, manque d'expérience politique, trop proche des Iraniens, etc. (Serge Truffaut.)

On doit veiller, dans la mesure du possible, à ce que les éléments d'une énumération soient mis sur le même plan. Ainsi, dans la phrase ci-dessus, la liste des griefs se présente d'abord sous forme de substantifs; il aurait fallu continuer de cette façon, à moins d'avoir recours à trois adjectifs :

Les griefs qu'il nourrit à son endroit sont multiples : incompétent, peu expérimenté en politique, trop proche des Iraniens, etc.

Les griefs qu'il nourrit à son endroit sont multiples : incompétence, manque d'expérience politique, trop d'affinités avec les Iraniens, etc.

Line Gingras

«Dehors Jaafari!» : http://www.ledevoir.com/2006/04/04/105997.html

3 avril 2006

Il l'avait intimé de préparer les documents...

Intimer quelqu'un quelque chose; intimer quelque chose à quelqu'un; intimer quelqu'un de + infinitif; intimer à quelqu'un de + infinitif; construction des compléments du verbe intimer; grammaire française; syntaxe du français.

  • ... il [l'ancien ministre Thomas Mulcair] a désobéi [...] à un ordre du secrétaire général du conseil exécutif, André Dicaire, qui l'avait intimé de préparer les documents requis. (Michel David.)

Dans la langue juridique, au sens d'«appeler en justice», «assigner devant une juridiction supérieure» (Lexis), le verbe intimer admet un nom de personne comme complément d'objet direct :

Intimer un justiciable devant la cour. (Lexique du français pratique.)

Dans la langue dite «courante», toutefois, on intime quelque chose à quelqu'un (c'est-à-dire qu'on le lui signifie, qu'on le lui fait connaître avec autorité, avec force) :

Le professeur intime l'ordre à l'élève de sortir immédiatement de la classe. (Lexis.)

Nous lui avons intimé de se rendre. (Lexique du français pratique.)

... intimant aux «intellectuels» de se rappeler qu'ils sont un type d'humanité «inférieur au militaire»... (Benda, dans le Trésor.)

... celui-ci se borna à le mettre en joue, en lui intimant l'ordre de se taire et de retourner au lit. (Ambrière, dans le Trésor.)

Par conséquent, d'après le résultat de mes recherches, il aurait fallu écrire :

... il a désobéi [...] à un ordre du secrétaire général du conseil exécutif, André Dicaire, qui lui avait intimé de préparer les documents requis.

Line Gingras

«Un homme dangereux» : http://www.ledevoir.com/2006/04/01/105799.html

2 avril 2006

Refuser ou s'opposer à un compromis

Refuser ou s'opposer à; coordination de deux verbes n'ayant pas la même construction; grammaire française; syntaxe du français.

  • Faut-il refuser ou s'opposer à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas. (Gil Courtemanche.)

Comme le fait observer Grevisse dans Le bon usage (douzième édition, paragraphe 271, remarque 4), il est souhaitable, lorsque deux verbes coordonnés ont le même complément, qu'ils aient aussi la même construction. Or, le verbe refuser appelle un complément d'objet direct - on refuse un compromis, une solution -, alors que s'opposer se construit indirectement, avec la préposition à. Que faire dans ce cas?

En principe, on peut placer le ou les compléments après le premier verbe, et employer avec le second un pronom de rappel :

Faut-il refuser ce compromis et cette solution boiteuse, ou s'y opposer? Je ne le pense pas.

Cette façon de procéder ne convient pas ici, toutefois, parce que les deux verbes n'indiquent pas deux partis bien différents entre lesquels choisir, mais expriment plutôt l'hésitation de l'auteur, qui semble balancer entre deux quasi-synonymes; en les séparant, on insiste trop sur chacun des deux, alors qu'ils forment un tout. Il faudrait donc remplacer soit refuser, soit s'opposer par un équivalent qui se construise de la même façon que l'autre verbe (ça ne me paraît pas facile); ou encore ne garder que l'un des deux :

Faut-il s'opposer à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas.

À moins d'opter pour... :

Faut-il opposer un refus à ce compromis et à cette solution boiteuse? Je ne le pense pas.

Line Gingras

«Les défis de Préval» : http://www.ledevoir.com/2006/02/18/102377.html?338

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