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Choux de Siam
27 avril 2006

Elle s'est faite sortir du match

Se faire + infinitif; s'être fait + infinitif; accord du participe passé du verbe faire suivi d'un infinitif; grammaire française; orthographe d'accord.

  • Et si la Caroline ne s'est pas faite sortir du match à ce moment, elle le doit carrément à Ward. (Jean Dion.)

Oui, je profite lâchement de ce que la section sportive du Devoir ait dû rédiger à toute allure son article sur le dernier match du Canadien, mercredi soir 26 avril, pour vous parler enfin de l'accord du participe passé du verbe faire suivi d'un infinitif.

Voici ce qu'on peut lire à ce sujet dans la douzième édition du Bon usage, au paragraphe 915, remarque 2 : «Le participe fait suivi immédiatement d'un infinitif est toujours invariable, parce qu'il fait corps avec l'infinitif et constitue avec lui une périphrase factitive...»

Les exemples donnés par Grevisse, et ceux que l'on trouve dans le Hanse-Blampain, confirment que le participe employé à la forme pronominale n'échappe pas à cette règle :

Ils se sont fait porter malades.
Elle s'est fait connaître.
Les costumes qu'il s'est fait faire.
Je les ai fait combattre, et voilà qu'ils sont morts! (Hugo.)
Je les ai fait chercher partout. (Académie.)

Line Gingras

«Les Hurricanes reprennent vie» : http://www.ledevoir.com/2006/04/27/107700.html

2 mai 2006

Ni fleurs ni couronnes - Un cheminement en évolution

  • La façon la plus charitable de décrire le cheminement sur la question québécoise de M. Ignatieff serait sans doute de dire qu'elle est en constante et rapide évolution. (Chantal Hébert.)

Je lis dans le Petit Robert qu'un cheminement est une «avance lente, progressive». Par conséquent, il me semble pléonastique de parler d'évolution constante pour décrire un cheminement particulier, et contradictoire de qualifier cette «avance lente» de rapide.

Par ailleurs, si l'on entreprend de décrire un cheminement, il faut se souvenir d'utiliser un pronom masculin.

Enfin il serait souhaitable, à mon avis, de déplacer le complément de M. Ignatieff de manière qu'il suive immédiatement le nom qu'il détermine.

Line Gingras

«La bulle libérale» : http://www.ledevoir.com/2006/05/01/108028.html?338

24 février 2006

Ni fleurs ni couronnes - Drôle de vote

  • Car le comité pourra bien ruer dans les brancards, en définitive il ne votera pas sur la candidature à la Cour suprême et c'est le premier ministre qui conservera ce suprême privilège. (Hélène Buzzetti.)

Le premier ministre serait donc appelé à voter, lui seul?

Je crois comprendre qu'il lui appartient plutôt de désigner ou de nommer le nouveau juge.

«Perspectives - Transparence de pacotille» : http://www.ledevoir.com/2006/02/22/102670.html

7 mai 2006

Ni fleurs ni couronnes - Interdiction d'interdire

  • Dans le cas de crimes pour lesquels aucune arme à feu n'a pas été utilisée, les peines minimales seront d'un ou de trois ans selon les cas (et de trois ou cinq ans en cas de récidive). Pour déterminer s'il y a récidive, la justice remontera le passé de l'inculpé sur une période de 10 ans. Mais attention! Dis ans de liberté. Une personne dont la liberté a été entrecoupée de séjours en prison verra son passé plus lointain revenir le hanter. (Hélène Buzzetti.)

On aurait pu éliminer au moins l'expression dans le cas de, en la remplaçant par en ce qui concerne les ou en ce qui a trait aux.

* * * * *

  • Quant aux peines avec sursis, elles seront interdites à toute personne coupable de crime grave...

Interdire quelque chose à quelqu'un, c'est le lui défendre. Or, il n'appartient pas au criminel d'établir sa peine; ce n'est donc pas à lui que l'on peut défendre ou interdire quoi que ce soit à ce chapitre.

Line Gingras

«Ottawa sera moins tolérant envers les criminels» : http://www.ledevoir.com/2006/05/05/108431.html

22 mai 2006

Ni fleurs ni couronnes - Disposées de l'obligation?

  • Stockwell Day, en mentant outrageusement à la Chambre des communes sur le diagnostic de la Vérificatrice générale à propos du Registre des armes à feu, a annoncé que toutes ces armes meurtrières seraient disposées dorénavant de l'obligation d'enregistrement. (Gil Courtemanche.)

Dispensées?

«Le pays de Harper» : http://www.ledevoir.com/2006/05/20/109700.html

20 mai 2006

Ne pas avoir le choix de + infinitif

Choix; ne pas avoir le choix de + infinitif; n'avoir d'autre choix que; to have no choice but to; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le ministère de l'Éducation n'avait donc pas le choix de revoir les exigences... (Josée Boileau.)

Aucun des neuf ouvrages de difficultés que j'ai consultés ne parle de l'expression ne pas avoir le choix de + infinitif. Je constate toutefois, d'après ce que je lis dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, qu'avoir le choix (qui signifie «avoir la liberté, la possibilité de choisir») peut s'employer ou bien seul, ou bien avec un nom complément :

Je n'ai pas le choix. (Multidictionnaire.)
Vous avez le choix des armes... (A. Dumas père, dans le Trésor.)

Je déconseillerais donc d'utiliser ne pas avoir le choix de + infinitif (cette construction, absente des dictionnaires, introduit non pas des choses ou des personnes entre lesquelles on n'a pas la liberté de choisir, mais l'obligation de faire une chose précise, ce qui paraît incompatible avec le sens du mot choix). Serait-il possible, cependant, de remplacer n'avait pas le choix de revoir par n'avait d'autre choix que de revoir? J'ai déjà étudié le tour n'avoir d'autre choix que, dans un billet rédigé pour La plume heureuse; je vous invite à vous y reporter pour un examen des différentes acceptions du mot choix (et pour une courte visite à Venise).

Le Robert & Collins Super Senior, comme traduction de He had no choice but to obey, propose Il ne pouvait qu'obéir. La phrase qui nous intéresse pourrait être reformulée de plusieurs façons; entre autres :

Le ministère de l'Éducation ne pouvait donc que revoir les exigences...

Le ministère de l'Éducation était donc forcé de revoir les exigences...

Le ministère de l'Éducation n'avait donc pas le choix : il lui fallait revoir les exigences...

Line Gingras

«Une filière à suivre» : http://www.ledevoir.com/2006/03/18/104689.html

4 juin 2006

Une menace à l'économie

Une menace à quelque chose; a threat to something; grammaire française; syntaxe du français; calque de l'anglais.

  • Ils décident de présenter cette pandémie comme une menace à l'économie, à la stabilité des régimes, à la sécurité mondiale. (Gil Courtemanche.)

Est-il correct d'introduire par la préposition à le complément désignant la personne ou la chose visée par une menace, au sens de «danger»?

Il n'y a rien à ce sujet dans les ouvrages de difficultés. J'ai trouvé un seul exemple utile dans les dictionnaires généraux :

La hausse des prix constitue une menace pour l'économie nationale. (Lexis.)

Je me demande si la construction une menace à quelque chose ne serait pas attribuable à l'influence de l'anglais; le grand Webster donne en effet ces deux exemples :

The crumbling cliff was a constant threat to the village below.
Economic depressions constitute a major threat to party hegemony. (Ewing.)

Plus encore, le Robert & Collins Super Senior propose de traduire It is a grave threat to civilization de l'une ou l'autre des façons suivantes :

Cela constitue une sérieuse menace pour la civilisation.
Cela menace sérieusement la civilisation.

Il me semblerait donc souhaitable de modifier quelque peu la phrase à l'étude :

Ils décident de présenter cette pandémie comme une menace pour l'économie, la stabilité des régimes, la sécurité mondiale.

Ils décident de présenter cette pandémie comme mettant en danger l'économie, la stabilité des régimes, la sécurité mondiale.

Line Gingras

«25 ans de sida» : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/ledevoirredir.cgi?http://www.ledevoir.com/2006/06/03/110768.html

7 juin 2006

On n'arrête pas les cibles

Avec les événements de la fin de semaine, certains journalistes sont forcés de travailler vite...

  • ... trois des cibles des présumés terroristes arrêtées ce week-end... (Hélène Buzzetti.)

Non, ce ne sont pas les cibles qui ont été arrêtées, mais les présumés terroristes - tous des hommes, d'ailleurs.

* * * * *

  • Le député néo-démocrate Yvon Godin, qui siège dans un comité révisant les mesures de sécurité en vigueur, croit qu'il faudrait peut-être limiter davantage l'accès automobile au Parlement, mais il faut que le Parlement reste un endroit ouvert au public.

D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Colpron, on siège à un comité.

Le député croit qu'il faudrait..., mais qu'il faut que... - puisque c'est bien son opinion à lui qu'il s'agit de donner, et non pas celle de la journaliste. Pour alléger la fin de la phrase, je remplacerais toutefois le tour impersonnel : 

Le député [...] croit qu'il faudrait peut-être limiter davantage l'accès automobile au Parlement, mais que celui-ci doit rester un endroit ouvert au public.

* * * * *

  • Le danger pour l'équipe conservatrice sera de trouver le juste équilibre et de ne pas trop en faire.

Dangereux, le juste équilibre? Difficile à trouver, peut-être.

* * * * *

  • Lorsque le numéro deux du Service canadien de renseignement sur la sécurité, Jack Hooper, a déclaré devant le comité sénatorial la semaine dernière que des cellules terroristes étaient en activité au Canada...

Le nom officiel de l'organisme, c'est Service canadien du renseignement de sécurité : http://www.csis-scrs.gc.ca/fr/index.asp.

Line Gingras

«Toronto : procès d'un complot» : http://www.ledevoir.com/2006/06/06/110968.html
«Perspectives - Un complot qui tombe à point» : http://www.ledevoir.com/2006/06/07/111040.html?338

8 juin 2006

Le dernier prend...

  • Voilà qui contraste avec la décision d'un autre juge, Jean-Guy Boilard, qui n'avait même     trouvé raisonnable d'imposer la prison à Paul Coffin, une légèreté que la Cour d'appel est venue corrigée par une peine de 18 mois d'internement. (Jean-Robert Sansfaçon.)

«Lorsqu'il y a deux verbes qui se suivent, le dernier prend er» - c'est ce qu'on nous faisait réciter à la petite école, à propos des verbes dont l'infinitif et le participe passé se terminent tous deux par le son é. Bien entendu, il faut se garder d'appliquer cette règle de façon systématique, mais il n'est pas mauvais de se la rappeler au moment opportun. Dans le doute, on peut toujours remplacer provisoirement le verbe du premier groupe, en -er, par un verbe du deuxième groupe, en -ir : une légèreté que la Cour d'appel est venue... abolir, mettons; on sait dès lors qu'il faut écrire corriger.

* * * * *

  • Hier, le procureur dans la cause de M. Guité, Me Jacques Dagenais, a laissé entendre que les enquêtes se poursuivaient et que d'autres affaires suivraient.

... a laissé entendre que les enquêtes continuaient...

Line Gingras

«Et les autres voleurs?» : http://www.ledevoir.com/2006/06/07/110990.html

12 juin 2006

On recommende l'acception des avancés?

Recommander ou recommender; acception ou acceptation; une avancée ou un avancé; anglicismes; paronymes; orthographe.

  • Selon la porte-parole de la FMSQ, Dominique Drouin, les deux parties se sont parlé peu avant le début du point de presse, et la possibilité de faire des avancés en cours de journée a incité le Dr Dugré à ne pas jeter d’huile sur le feu. (Guillaume Bourgault-Côté.)

On fait des avancées :

Il y a eu des avancées mais le conflit n'est pas résolu. (Petit Robert.)

* * * * *

  • M. Dugré a réitéré hier soir que la fédération ne recommenderait pas à ses membres l’acception de cette offre.

Il faut éviter de confondre l'anglais to recommend et le français recommander.

D'après le Petit Robert, acception s'employait jadis au sens d'«acceptation». Dans la langue moderne, toutefois, acception désigne un «sens particulier d'un mot, admis et reconnu par l'usage» :

Acception propre, figurée. Mot à nombreuses acceptions.

Et l'acceptation, vous savez ce que c'est :

La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque, c'est l'acceptation pure et simple de la mort. (Saint-Exupéry.)

Line Gingras

«Reprise des négociations entre Québec et les médecins spécialistes» : http://www.ledevoir.com/2006/06/10/111306.html

19 juin 2006

En genre et en nombre

S'installer; accord du participe passé du verbe pronominal; grammaire française; orthographe d'accord.

  • Très rapidement s'y sont installés des communautés religieuses évangélistes et fondamentalistes comme les mennonites et les baptistes. (Gil Courtemanche.)

Revoyons un peu quelques éléments de la règle d'accord du participe passé des verbes pronominaux.

Nous avons ici un verbe accidentellement pronominal, c'est-à-dire qui n'est pas toujours utilisé à la forme pronominale. Plus précisément, c'est un pronominal réfléchi : le sujet - communautés - et le pronom réfléchi - s' - désignent tous deux les mêmes personnes.

La règle, en pareil cas, c'est que le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe. Il n'y a donc qu'à poser la question à deux mille dollars : les communautés ont installé qui? elles-mêmes, représentées par le pronom s'; il fallait écrire s'y sont installées.

En appliquant la même règle - mais en posant la question ils ont installé quoi? -, nous pourrions obtenir par ailleurs les phrases suivantes :

Ils se sont installé une corde à linge.
La corde à linge qu'ils se sont installée il y a dix ans doit être remplacée.

Line Gingras

«Le Texas canadien» : http://www.ledevoir.com/2006/06/17/111894.html

20 juin 2006

Zones d'ombre

  • Contrairement à ses critiques et à plusieurs de ses proches, le premier ministre [Jean Charest] est toujours convaincu que les dés vont rouler pour lui. Cela tient-il de la détermination ou de l'aveuglément? (Chantal Hébert.)

Suivre aveuglément quelqu'un, c'est de l'aveuglement.

* * * * *

  • Lorsqu'il parle de zone_ isolées, on doit comprendre les réserves autochtones, les réserves métisses et dans les zones qui ne sont pas desservies présentement par Internet haute vitesse. (Bruno Guglielminetti.)

La préposition n'a pas sa place devant ce qui devrait être le troisième élément d'une énumération de compléments d'objet direct.

Line Gingras

«La manière Mulroney» : http://www.ledevoir.com/2006/06/19/111958.html?338
«Technologie - Des Albertains branchés jusque dans les coins les plus reculés» : http://www.ledevoir.com/2006/06/19/111925.html?338

30 juin 2006

Des emplois, on veut des emplois

  • Même les données sur l'emploi de mai faisaient ressortir un certain réveil de l'économie intérieure au Québec. L'emploi avait progressé de 30 500 postes le mois dernier, après quatre mois de disette en matière de création d'emplois. (Gérard Bérubé.)

Le contexte est on ne peut plus clair :

L'emploi avait progressé de 30 500 postes le mois dernier, après quatre mois de disette.

Line Gingras

«Perspectives - Morosité québécoise (bis)» : http://www.ledevoir.com/2006/06/29/112655.html?338

13 juillet 2006

Quelques vérifications

  • Un nouveau négationisme (titre d'un article signé par André Le Corre, membre de PAJU [Palestiniens et Juifs unis]).

L'auteur du titre pourrait ne pas être celui de l'article; quoi qu'il en soit, je trouve dans le Petit Robert le mot négationnisme, avec deux n avant la finale en -isme.

  • Il ne faut pas oublier ce qu'a dit Ariel Sharron...

Comme je ne connais pas grand-chose à la question du Moyen-Orient, j'ai effectué une petite recherche au moyen de Google, cette orthographe me paraissant inhabituelle; résultat : 1050 occurrences de la graphie Ariel Sharron; 9 490 000 pour Ariel Sharon. Et c'est cette dernière qui figure dans le Petit Robert des noms propres.

Line Gingras

«Un nouveau négationisme» : http://www.ledevoir.com/2006/07/12/113429.html

31 juillet 2006

Avec quoi ça s'accorde?

L'accord du verbe séparé de son sujet; l'accord du verbe avec son sujet inversé; la relative explicative et la virgule; la proposition relative et la virgule; grammaire française; syntaxe du français; ponctuation; orthographe d'accord.

  • Mais une certitude demeure : les rôles de con, à l'image de Brice, semble__ toujours lui plaire... (Fabien Deglise.)

Le verbe ne s'accorde pas toujours avec ce qui vient juste avant : ici, «à l'image de Brice» n'est qu'une sorte de parenthèse servant à préciser ce qu'on veut dire par «les rôles de con»; ce sont eux qui semblent toujours plaire.

* * * * *

  • Autant d'avantages que lui procurent son statut de vedette_ dont il aime savourer chaque seconde avec sourire et humilité.

Il arrive aussi que le sujet soit placé après le verbe : le «statut de vedette» procure des avantages, et non l'inverse. Le contraire pourrait être vrai (certaines personnes sont célèbres en raison de leur fortune), mais alors on écrirait : Autant d'avantages qui lui procurent...

Par ailleurs, la relative introduite par dont ne détermine pas de quel «statut de vedette» il s'agit; elle n'introduit pas une information essentielle au sens de la phrase, mais accessoire. Nous n'avons donc pas affaire à une proposition subordonnée déterminative, mais explicative, qui doit être précédée de la virgule.

Line Gingras

«De bouffon à espion» : http://www.ledevoir.com/2006/07/18/113942.html

19 mai 2006

Légitimer l'Iran à vouloir...

Légitimer quelqu'un à + infinitif; légitimer quelqu'un à faire quelque chose; une proposition à + infinitif; grammaire française; syntaxe du français.

  • La principale menace terroriste m'apparaît plutôt venir de la politique de frappe préventive - même nucléaire - adoptée par Washington en 2004, qui menace la stabilité internationale et qui légitime l'Iran à vouloir se protéger en enrichissant de l'uranium en vue d'acquérir l'arme nucléaire. (Denys Duchêne.)

Même si les exemples que l'on trouve dans les dictionnaires évoquent une société qui semble à des années-lumière de la nôtre, le verbe légitimer peut se construire avec un complément d'objet direct désignant une personne :

Légitimer un souverain.
Légitimer un enfant naturel.

Le complément direct peut aussi désigner une chose :

Légitimer un geste, une cause. (Multidictionnaire.)

... les inventeurs accourent faire légitimer leurs découvertes. (Balzac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

En rendant des services, dont le plus apprécié était la défense de la sécurité publique, le seigneur féodal légitima son usurpation. (Bainville, dans le Trésor.)

Je me tuais en explications pour légitimer ma conduite. (Gide, dans le Petit Robert et le Lexis.)

Mais qu'en est-il de la construction qui nous intéresse, légitimer quelqu'un (l'Iran étant une personne morale) à + infinitif?

Les ouvrages de difficultés (j'en ai consulté sept) n'en font pas mention, mais je ne la trouve pas non plus dans les dictionnaires généraux. Je pense donc que le verbe légitimer n'admet pas d'objet second; il conviendrait à mon avis de le remplacer, ici, par inciter, motiver, pousser ou, mieux sans doute, justifier - ce dernier peut se construire avec à comme avec de, selon le Trésor, au sens de «donner à quelqu'un le droit de, des raisons de» :

C'est là le fond de la joie d'amour, lorsqu'elle existe : nous sentir justifiés d'exister. (Sartre, dans le Trésor.)

C'est ce respect et ce maintien de la légitimité républicaine qui nous ont justifiés et nous justifient à exercer le pouvoir pour conduire le pays dans la guerre. (De Gaulle, dans le Trésor.)

* * * * *

  • La réponse se trouve probablement ailleurs, dans une proposition concrète de l'ONU à inviter des troupes de pays musulmans, tels la Jordanie ou le Maroc, à prendre la relève avec double mandat offensif et défensif.

Chacun sait cela, que le complément du nom proposition doit se construire avec la préposition de, et non à; on peut comprendre, toutefois, que le journaliste ait voulu éviter un deuxième complément introduit par de. Comment résoudre la difficulté? J'emploierais un participe présent :

La réponse se trouve probablement ailleurs, dans une proposition concrète de l'ONU invitant des troupes de pays musulmans...

Line Gingras

«Libre opinion : Des raccourcis sur la présence militaire canadienne en Afghanistan» : http://www.ledevoir.com/2006/05/18/109460.html

1 août 2006

Accoucher d'une inflexion

Construction du verbe accoucher; complément du verbe accoucher; accord du participe passé du verbe accoucher; grammaire française; syntaxe du français; orthographe d'accord.

  • Acte inexcusable, le bombardement de Cana aurait dû susciter de la part du Conseil de sécurité de l'ONU un sursaut autre que la timide inflexion dont il a accouchée. (Serge Truffaut.)

Le verbe accoucher, sauf lorsqu'il désigne l'action d'aider une femme à donner naissance à son enfant, se construit seul ou avec un complément d'objet indirect : au sens propre, une femme accouche d'un enfant; au sens figuré - et par plaisanterie, selon le Petit Robert -, on peut accoucher, par exemple, d'un mauvais roman, c'est-à-dire l'«élaborer péniblement». Je ne sais trop que penser de l'expression bizarrement imagée que je trouve ici - accoucher d'une inflexion -, mais une chose est certaine : le participe passé du verbe accoucher, employé avec l'auxiliaire avoir et n'ayant pas de complément d'objet direct, doit rester invariable.

* * * * *

  • ... des positions qui ne permettent pas d'entrevoir le silence des armes à très court terme.

    Au terme de son deuxième périple au Proche-Orient en une semaine...

À la fin de son deuxième périple...

* * * * *

  • Après trois semaines de bombardements, l'ONU a une fois encore fait la preuve de son incapacité à jouer sur les événements lorsqu'ils sont aussi violents que sanglants.

Je ne comprends pas bien cette comparaison : lorsque des événements font couler le sang, il va de soi qu'ils sont violents, non?

Line Gingras

«ONU désarmée» : http://www.ledevoir.com/2006/08/01/114908.html

4 août 2006

L'agenda de Stephen Harper

Agenda; anglicisme; usage.

  • ... le premier ministre s'en est tenu à la routine : pourfendre les libéraux et vanter son gouvernement. Le message était clair : c'est lui qui dicte l'agenda, pas l'électorat. (Josée Boileau.)
  • ... le monde de M. Harper relève d'abord d'un agenda à contrôler. Et ces lointaines bombes ont déjà bien assez perturbé le plan de match du premier ministre...

Selon les ouvrages québécois que j'ai sous la main - le Multidictionnaire, Le français au bureau, le Dagenais, le Colpron et le Chouinard -, agenda est un anglicisme au sens d'ordre du jour ou de programme, ligne d'action.

De fait, ce terme est admis dans une seule acception, d'après le Petit Robert et le Lexis : «Carnet sur lequel on inscrit jour par jour ce qu'on doit faire, ses rendez-vous, ses dépenses, etc.» (Petit Robert) :

Tenir un agenda; écrire pour chaque jour ce que je devrai faire dans la semaine, c'est diriger sagement ses heures. (Gide, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Mon agenda est plein de choses importantes qui ne peuvent être différées. (Alain, dans le Lexis.)

Le Multidictionnaire ajoute que, par extension, agenda désigne aussi le «contenu d'un agenda»; le mot est dans ce cas synonyme d'emploi du temps :

Son agenda est bien rempli.

Line Gingras

«Silences éloquents» : http://www.ledevoir.com/2006/08/04/115160.html

5 août 2006

Gens d'affaire

Gens d'affaires; gens d'affaire; d'affaires ou d'affaire; orthographe.

  • Aucune condamnation des excès israélien_, si ce n'est la suggestion qu'une «prudence extrême» était de mise. (Hélène Buzzetti.)
  • Tout cela leur a valu les réprimandes de personnalités bien placés dans la communauté juive.
  • Ainsi, le couple de gens d'affaire_ Gerry Schwartz (Onex corporation) et Heather Reisman (librairies Chapters) est passé dans le camp conservateur.

D'après les exemples que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé, consultés à l'article «affaire», il faut écrire d'affaires, avec un s, dans les expressions suivantes :

Voyage, lettre, chiffre, repas, dîner d'affaires.
Agence, cabinet, bureau d'affaires.
Homme, femme, agent, chargé d'affaires.

Le Chouinard traite par ailleurs de l'emploi du mot gens dans l'expression gens d'affaires.

Line Gingras

«Le Canada, Israël et les terroristes» : http://www.ledevoir.com/2006/08/05/115255.html

4 juillet 2008

De l'ordre dans les idées

  • Le sondage CROP-La Presse dont les résultats ont été publiés hier sont sensiblement différents de ceux du dernier Léger Marketing-Le Devoir en ce qui concerne le PLQ et l'ADQ, mais ils concordent sur le surplace du PQ depuis un an. (Michel David.)

Lorsqu'on commence à lire cette phrase, on a l'impression que Le sondage CROP-La Presse est le sujet de la proposition principale, à quoi se rattache la subordonnée relative dont les résultats ont été publiés hier; celle-ci devrait pouvoir être retranchée sans que la phrase cesse d'être complète. Mais on cherche en vain le verbe au singulier qui s'accorderait avec sondage; c'est que l'auteur aurait écrit sans doute, s'il avait mis de l'ordre dans ses idées :

Les résultats du sondage CROP-La Presse, publiés hier, sont sensiblement différents...

Line Gingras
Québec

« Sans le rêve » : http://www.ledevoir.com/2008/06/28/195683.html

28 août 2006

Coordination et logique

Sujet d'un semi-auxiliaire introduisant deux verbes employés à la forme passive; sujet du verbe; grammaire française; syntaxe du français.

  • ... la pensée de ces commentateurs qui finissent par conclure que le financement des partis politiques par l'État devrait tout simplement être aboli et laissé entièrement à leurs membres et à leurs partisans. (Bernard Descôteaux.)

Être aboli et être laissé sont deux infinitifs à la forme passive introduits par le semi-auxiliaire devoir. Celui-ci a pour sujet le financement des partis politiques par l'État. Bien entendu, le noyau de ce groupe, c'est le financement; il n'empêche que le syntagme entier remplit la fonction de sujet. Sans doute est-il logique d'écrire :

... le financement des partis politiques par l'État devrait tout simplement être aboli...

Mais on commet une contradiction flagrante si l'on affirme :

... le financement des partis politiques par l'État devrait être laissé entièrement à leurs membres et à leurs partisans.

Comment résoudre la difficulté? Je proposerais :

... l'État devrait cesser de subventionner les partis politiques, dont le financement devrait être laissé à leurs membres et à leurs partisans.

Line Gingras

«Affaiblir l'adversaire» : http://www.ledevoir.com/2006/08/26/116773.html

5 septembre 2006

L'énumération et la préposition

  • Outre le spectacle de folie et d'horreur qui a coûté la vie à 3000 innocentes victimes ce jour-là, l'événement a quand même, entre autres choses, directement mené à : l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, à l'affaiblissement des mécanismes internationaux de règlement des conflits, à la violation de droits individuels, à l'aggravation des tensions communautaires et à la montée de la peur. (Éric Desrosiers.)

On répète normalement les prépositions à, de et en devant chacun des compléments. Ici, toutefois, il faudrait déplacer le premier à de manière qu'il se trouve non pas devant le deux-points, mais après, afin que tous les éléments de l'énumération soient présentés de manière uniforme. On pourrait très bien aussi supprimer le deux-points. Si l'on tient à conserver le deux-points précédé de la préposition, il faut supprimer celle-ci devant chacun des éléments.

Line Gingras

«Perspectives - 11 Septembre? Quel 11 Septembre?» : http://www.ledevoir.com/2006/09/05/117369.html?338

9 septembre 2006

Dans ce pays

Emploi de l'adjectif démonstratif calqué sur l'anglais; emploi de l'adjectif démonstratif au lieu du possessif; en coeur ou en choeur; homonymes; orthographe; anglicisme.

  • Mais que faire devant ceux qui n'ont désormais qu'un objectif : assassiner la liberté elle-même? Les réactions pacifistes dans ce pays cet été ne nous ont pas apporté de réponse valable à cette terrible question. (Denise Bombardier.)

De quel pays s'agit-il? Aucun n'est mentionné précisément dans le paragraphe que termine cette phrase, bien que le mot pays s'y rencontre à deux reprises, au pluriel; dans le paragraphe qui précède je trouve l'Afghanistan, mais ce n'est manifestement pas à lui que pense ici madame Bombardier. Je vois bien, à la lecture du reste de son article, qu'elle parle plutôt du Canada - et que le démonstratif a valeur de possessif, comme c'est fréquemment le cas en anglais :

An Ipsos-Reid survey, released today, indicates that many Canadians identify low adult literacy as "very important" and "a major problem" in this country.

Selon les résultats d’un sondage d’Ipsos-Reid rendu public aujourd’hui, un grand nombre de Canadiens qualifient de «très important» et de «problème majeur» le faible niveau de littératie* chez les adultes dans notre pays.

[Source de ces deux citations : http://www.abc-canada.org/media_room/news/news_releases2005.shtml]

* Littératie ne figure pas dans le Petit Robert (2007), dans le Multidictionnaire ni dans le Trésor de la langue française informatisé; il est admis, toutefois, dans le Grand dictionnaire terminologique : http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp

Si vous avez l'occasion de lire ou d'entendre, en français, les propos de Stephen Harper ou de certains de ses ministres, vous remarquerez, si ce n'est déjà fait, que nos dirigeants utilisent très souvent les tours «ce gouvernement», «ce pays», là où l'on attendrait «notre gouvernement», «mon gouvernement», «le Canada», «notre pays». C'est une faute bien excusable chez des anglophones; malheureusement, plus on y est exposé, plus on risque de l'«attraper»!

Je suggérerais donc de modifier légèrement la phrase à l'étude :

Les réactions pacifistes des Canadiens, cet été, ne nous ont pas apporté...

Les réactions pacifistes observées au Canada, cet été, ne nous ont pas apporté...

* * * * *

  • À notre époque de démocratie émotionnelle où la primauté semble être de vibrer en coeur, il est difficile, voire périlleux, de tenter l'exercice intellectuel qui consiste à remettre les faits en contexte.

Oui! bonne idée, tentons notre petit exercice intellectuel à nous; nous pourrons même le faire sans briser notre linge, comme dirait Jean Dion à l'exemple de ma grand-mère. Allons-y bravement, réfléchissons un peu : lorsque les coeurs vibrent à l'unisson, ils vibrent en choeur, vous ne croyez pas? (Voir le Petit Robert, à l'article «choeur».)

  • ... la politique certes douteuse qu'ont trop souvent menée les gouvernements américains, y compris Bill Clinton...

Le président des États-Unis, qui qu'il soit et en dépit de toute sa bonne volonté, n'est pas un gouvernement à lui tout seul; il aurait fallu écrire : ... les gouvernements américains, y compris celui de Bill Clinton...

Line Gingras

«Rude été» : http://www.ledevoir.com/2006/09/09/117744.html

2 juin 2007

N'ont menées

Accord du participe passé; grammaire française; orthographe d'accord.

  • Les quelques rencontres tenues entre la police et Cho n’ont menées à aucune action précise. (Guillaume Bourgault-Côté.)

Employé avec l'auxiliaire avoir, le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct, si ce dernier précède le verbe. Les rencontres n'ont mené qui, n'ont mené quoi? Pas de réponse - pas de complément d'objet direct, pas d'accord. Par contre :

Les quelques rencontres qu'ont menées les policiers...

Les policiers ont mené quoi? Des rencontres; le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet direct, placé devant le verbe.

Les quelques rencontres qui ont été menées par la police...

Le verbe mener n'est pas conjugué ici avec l'auxiliaire avoir : il est employé à la forme passive, avec l'auxiliaire être au passé composé; le participe s'accorde donc en genre et en nombre avec le sujet du verbe.

Line Gingras
Québec

«Le tueur de Virginia Tech a tourné une vidéo entre les deux attaques» : http://www.ledevoir.com/2007/04/19/140044.html?fe=805&fp=127439&fr=15476

5 juin 2007

Douter que

Douter que + indicatif; douter que + conditionnel; douter que + subjonctif; grammaire française; syntaxe du français.

  • ... je doute fort qu[e] (...) nous entendrons encore beaucoup parler de... (Norman Spector.)

Douter que, à la forme affirmative, ne se construit pas avec l'indicatif, comme dans la phrase ci-dessus, mais avec le subjonctif :

Je doute que les choses aillent si bien qu'il le prétend.

Elle doute que ses parents veuillent la laisser partir si jeune.

Nous doutons que vous soyez en mesure d'assumer ces responsabilités.

Ils doutent que vous arriviez à temps.

Je doute fort que nous en entendions encore beaucoup parler.

Hanse et Blampain (2000) conseillent d'éviter le conditionnel :

* Je doute qu'ils vous laisseraient faire ce que vous voulez. (J'écrirais plutôt : Je ne pense pas qu'ils vous laisseraient faire ce que vous voulez.)

À la négative ou à l'interrogative, douter que appelle souvent le subjonctif; mais on peut aussi employer l'indicatif, si l'on veut insister sur la réalité du fait :

Je ne doute pas qu'il le fasse. (Hanse-Blampain.)

Bien sûr, je ne doute pas qu'il réussisse! (Girodet 1981.)

Je ne doutais pas que ma place fût réservée à bord d'une de ces jolies frégates. (Mac Orlan, dans le Colin 1979.)

Je ne doute pas qu'il fera le nécessaire pour réussir.

Le conditionnel s'utilise également, pour exprimer une hypothèse :

Ne doutez pas que nous donnerions suite à votre demande si c'était possible. (Je vois mal, dans ce cas-ci, comment on pourrait employer le subjonctif.)

Line Gingras
Québec

«Stéphane Dion paie ses dettes» : http://www.ledevoir.com/2007/02/22/132019.html

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