Accord par syllepse
Accord par syllepse; accord du possessif; accord du pronom personnel; accord du verbe; monde.
- [...] du "bon monde" tranquille, sans histoire, du monde ordinaire comme on dit ici, s'insurge contre l'installation d'une maison pour personnes âgées dans leur rue, à Québec, au prétexte que leur quiétude sera mise à mal [...] (Denise Bombardier.)
Ainsi donc, nous parlerons aujourd'hui de l'accord par syllepse.
[Comment? Il y a un autre problème dans cette phrase? - Certes, mais nous verrons cela demain, n'ayez crainte.]
Qu'est-ce donc qu'un accord par syllepse? C'est un accord qui se fait "selon le sens et non selon les règles grammaticales", nous dit le Petit Robert.
Cet accord n'est pas toujours approprié dans la langue soutenue; il me vient tout de suite à l'esprit un titre bien connu de l'humoriste Clémence Desrochers, Le monde sont drôles. Grevisse écrit, à ce sujet, que "la langue populaire met parfois au pluriel les mots se rapportant à des noms collectifs singuliers" (autres que les mots exprimant une quantité, comme douzaine, nombre ou moitié).
Madame Bombardier, comme il convient dans un texte sérieux, a laissé le verbe s'insurge au singulier; mais que dire du déterminant possessif leur? Aurait-il fallu reformuler la phrase, ou était-il correct d'utiliser un pluripossessif, indiquant plusieurs possesseurs, pour renvoyer à monde, substantif singulier?
Grevisse semble autoriser cet emploi, sans le limiter à la langue populaire (paragraphe 593, d, de la douzième édition du Bon usage) :
Jamais, depuis son enfance, elle n'avait approché d'un homme en soutane; elle éprouvait à leur égard [...] (É. Baumann.)
Il paraît aussi admettre que le pronom personnel s'accorde, "non avec son antécédent (surtout si celui-ci ne figure pas dans la même phrase ou sous-phrase), mais avec la signification impliquée par cet antécédent" :
La pauvre Barbe-bleue se doutait bien de quelque chose, mais il ne savait pas de quoi. (A. France.)
Dans la phrase à l'étude, on aurait donc pu écrire, en parlant du monde ordinaire, qu'ils prétextent que leur quiétude sera mise à mal.
Non, je ne serai probablement jamais à l'aise avec ces "syllepses occasionnelles". Mais elles ne sont pas interdites, je l'ai z'appris tout à l'heure.
Line Gingras
"Faire la fête?" : http://www.ledevoir.com/2005/10/08/92200.html