L'caveau de douor
Venise; albergo San Samuele.
Les deux dernières fois où je suis allée à Venise, j'ai logé au San Samuele, petit hôtel modeste mais sympathique et bien tenu, dans la salizzada du même nom.
L'enseigne est discrète. Je sonne à la porte, on m'ouvre d'en haut; je pénètre dans un rez-de-chaussée non habité, marque de sagesse dans la ville de l'acqua alta.
Et je respire, en faisant les quelques pas qui mènent à l'escalier, cette odeur ancienne. Étrange et familière à la fois. Je pourrais dire, même, familiale. Parce que c'est l'odeur du caveau de douor.
En un instant, cette odeur me transporte dans le p'tit rang croche; j'entends la rivière dévaler de la montagne, de l'autre côté du chemin de gravelle. Et ici, à gauche du gros peuplier au tronc fendu, il y a l'caveau de douor, creusé dans la terre.
Je me rappelle la vieille porte; à l'intérieur, les patates, les carottes, les choux, les choux de Siam qu'on y conserve - qu'on y conservait, parce que tout cela a été détruit avec l'élargissement de la route.
Et l'odeur de terre, la même qu'au rez-de-chaussée du San Samuele, à Venise.
Line Gingras