17-06-2014
La peur
La peur... La peur est le pire des fléaux. Tout ce qu'on fait pour la calmer ne contribue qu'à la nourrir. De l'huile jetée sur le feu. On croit s'être débarrassé de ses causes immédiates? On pense avoir tout prévu, avoir bien fermé toutes les portes, toutes les fenêtres? Elle est là pourtant, avec soi dans la maison, tapie dans l'ombre. Elle attend. Oh, si peu de temps...
La voici qui reparaît sous une autre forme, encore plus vive, plus dévorante. La peur a toutes les bonnes raisons d'exister. Elle en trouve toujours de nouvelles, et n'admet pas de réplique. Elle est si prudente, la peur, et si responsable. Il n'y a qu'à l'écouter pour naviguer entre les écueils de la vie.
La peur est un corbillard blindé. Muni d'un GPS.
Line Gingras
Québec
Ce texte m'a été inspiré par la chronique de Rima Elkouri dans La Presse d'aujourd'hui : « Un gilet pare-balles avec ça? » : http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/rima-elkouri/201406/17/01-4776422-un-gilet-pare-balles-avec-ca.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers
24-07-2009
Anniversaires
Charles de Gaulle; Jacques Cartier; croix de Gaspé; 24 juillet 1534; 24 juillet 1967; chemin du Roy; Vive le Québec libre!
Quelques anniversaires aujourd'hui.
Le 24 juillet 1534, il y a quatre cent soixante-quinze ans, Jacques Cartier plantait à Gaspé une croix haute de trente pieds, portant l'inscription Vive le Roy de France.
Le 24 juillet 1967, Charles de Gaulle, désireux semble-t-il d'effacer une dette de la France à l'égard du Québec, lançait son fameux Vive le Québec libre! du balcon de l'hôtel de ville de Montréal, devant la foule massée sur la place... Jacques-Cartier.
Le choix de la date me paraît significatif : de Gaulle, ancien professeur d'histoire à l'école militaire de Saint-Cyr, s'intéressait beaucoup au rôle qu'avait joué la France en Amérique. La veille, soit le 23 juillet 1967, il était arrivé à Québec sur le croiseur français Colbert, à bord duquel il avait remonté le Saint-Laurent – comme Jacques Cartier avant lui... Le 24, il avait gagné Montréal en suivant le chemin du Roy.
Ça n'a aucun rapport avec ces faits historiques, mais toujours est-il que, le 24 juillet 1967, j'ai eu douze ans.
Line Gingras
Québec
23-09-2007
Le «nous» québécois
Le nous québécois; identité québécoise; Québécois et Canadiens français; langue française.
[Réponse à une lectrice française, Rosa, qui m'interrogeait sur le nous québécois.]
La question du nous est délicate, parce qu'elle touche à notre identité collective. Qui sommes-nous? Qui peut se dire Québécois?
Lorsque j'étais enfant, on appelait Québécois, dans la langue courante, les habitants de la ville de Québec; à l'échelle de la province, on se divisait essentiellement entre Canadiens anglais et Canadiens français. Nous, les Canadiens français, étions attachés à ce que nous nommions le Canada; mais cette terre de nos aïeux était associée au fleuve géant (le Saint-Laurent), comme le précise notre hymne national. À l'église, un de nos cantiques, Notre-Dame du Canada, reprenait cette idée : Regarde avec amour, sur les bords du grand fleuve / Ce peuple jeune encore qui grandit frémissant / Tu l'as plus d'une fois consolé dans l'épreuve / Ton bras fut sa défense, et ton bras est puissant...
Notre peuple était canadien, de langue française et de religion catholique. (Je simplifie, bien sûr.) Deux siècles après la défaite des plaines d'Abraham, il était pauvre, se croyait né pour un p'tit pain. Replié sur lui-même, il comptait sur une élite de prêtres, de médecins, de notaires et d'avocats pour le diriger. Il avait lutté pour sa survie en faisant des enfants, beaucoup d'enfants.
Un jour, à l'adolescence, j'ai remplacé plus ou moins discrètement, dans le refrain du cantique, du Canada par des Québécois.
La Révolution tranquille a transformé notre société, qui s'est affranchie de la tutelle de l'Église; l'argent détestable nous a paru, de plus en plus, désirable; le monde des affaires, attirant. L'exposition universelle de 1967 nous a ouverts au monde et nous a montré que nous étions capables, nous aussi, d'audace et de grandes réalisations. Le Parti québécois nous a entraînés dans son rêve immense. Le français s'est imposé jusque dans les commerces de Montréal.
Et aujourd'hui, qui sommes-nous? Les Québécois de vieille souche ne font plus assez d'enfants; notre société doit accueillir des immigrants et favoriser leur intégration. Francophones et anglophones, Québécois de vieille souche ou de souche récente, nous avons en commun la langue française, paraît-il. L'aimons-nous comme un bien précieux? Dans l'expression Français d'Amérique, quel mot trouvons-nous le plus important?
Après le référendum de 1995, on a proclamé que le terme Québécois s'appliquait à tous les habitants du Québec - et à eux seuls. Moi qui vivais à Ottawa, je me trouvais soudain du mauvais côté de la rivière - rejetée. Je ne me suis jamais sentie Franco-Ontarienne. Je n'étais plus Québécoise. Alors qu'un immigré de fraîche date, ne sachant rien de l'histoire du Québec, ne parlant peut-être même pas français, pouvait se dire Québécois, lui.
Les choses n'ont pas changé de ce côté; seulement, je suis revenue m'établir à Québec. Suis-je donc Québécoise, à nouveau? Comment pourrais-je appartenir, véritablement, à un peuple qui se définit de façon si superficielle? - qui m'accueille aujourd'hui, qui me repousserait aussi facilement demain? Pourquoi voudrais-je, même, lui appartenir? Quelle signification cela pourrait-il avoir?
Je suis Québécoise, malgré tout. Je ne peux pas rejeter le nous comme le nous a prétendu me rejeter. Mes racines sont plus fortes, plus profondes que cela. Elles plongent dans le terreau de la langue, de l'histoire, de la culture. Je ne me laisserai plus exclure. Mais le peuple québécois, avec tous les éléments qui le composent, anciens et nouveaux, ne survivra que s'il définit clairement les caractéristiques communes qui le distinguent des autres peuples d'Amérique - et s'il s'attache à les mettre en valeur.
L'identité, l'appartenance à un peuple, ce n'est pas une simple question de domicile.
Line Gingras
Québec
24-01-2006
J'ai voté Rhinocéros
Chères amies lectrices,
Chers amis lecteurs,
Il y a quelques minutes je somnolais devant la télévision, en écoutant le discours de notre nouveau premier ministre - le gouvernement sera conservateur, mais minoritaire -, lorsque je me suis inquiétée de mon billet d'aujourd'hui. J'ai donc sacrifié les derniers instants (ou était-ce la dernière demi-heure) de cette harangue excitante à mes devoirs de blogueuse. (Je n'en étais pas à un sacrifice près, puisque ce soir - ou plutôt hier soir - la répétition de notre ensemble vocal a été annulée pour cause de spectacle électoral.)
Mais vous parler de grammaire à cette heure? L'exercice eût été périlleux. Et puis, en jetant un coup d'oeil sur mes statistiques, j'ai découvert qu'un ami une amie lecteur lectrice canadien canadienne, de quelque part dans notre beau et vaste pays, était arrivé arrivée chez moi pour s'être donné la peine, aux alentours de 23 h 10 (le verdict était connu depuis une heure), de faire au moyen de Google une recherche qui lui révélerait le programme du parti Rhinocéros. Sans doute un électeur une électrice indécis indécise.
Une démarche tellement louable, quoique tardive, mérite d'être soulignée. Et elle me fournit l'occasion de vous dire que oui, fière citoyenne de mon énième plusse meilleur pays au monde, je suis allée voter. J'ai voté Rhinocéros, seul parti qui se roule dans la fange et ou raconte des niaiseries juste pour le plaisir. Il n'y avait pas de candidat candidate Rhino dans ma circonscription? Peut-être même n'y en avait-il pas un seul une seule dans tout le pays? Raison de plus pour voter en sa faveur.
Car je vous le demande un peu, quel parti politique mettrait à son programme de remplacer nos élections par de grandes loteries, hein? Même pas le parti Rhinocéros, à ce que je sache - quoique je n'en sache rien.
Choubine
25-11-2005
Harmonie linguistique - Exemple de bilinguisme à la "Canadian"
Je vous incite vivement, vous surtout qui me lisez des "vieux pays", à cliquer sur le lien qui mène à cette lettre de madame Fleurette Landry, publiée dans L'Acadie nouvelle du 18 novembre 2005.
Tenez à l'esprit que "[le] Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada..." (ce n'est pas sans raison) et que le Moncton métropolitain, ou "Grand Moncton", compte 33 p. 100 de francophones. Nous ne sommes pas en Alberta ni en Colombie-Britannique; on pourrait le croire pourtant, au récit de la petite mésaventure qui est arrivée à madame Landry - on pourrait le croire, dis-je, si les incidents de ce genre étaient rares dans les collectivités où les francophones, minoritaires, constituent quand même un fort pourcentage de la population.
Il y a quelques années, alors que j'habitais encore à Ottawa (la capitale de notre beau pays bilingue est évidemment une ville très bilingue), je me suis acheté un nouvel ordinateur. Quelques jours après avoir passé ma commande, j'ai eu la bonne idée de vérifier si le vendeur avait prévu un clavier bilingue - je n'avais pas pensé à préciser ce besoin sur le moment, mais avec mon accent très perceptible j'étais certaine que le jeune homme l'avait deviné tout seul, quoique...
Eh bien non.
Line Gingras
21-09-2005
On veut de la politique propre
À la suite de révélations chocs touchant la consommation de cocaïne, marijuana, alcool, tabac, café, Pepsi diète, Caramilk, chips au ketchup et autres drogues, le Parti Rhinocéros renouvelé s'engage à obliger tous les politiciens, qu'ils soient de la génération BB, préBB, postBB, X, Y ou Z, à subir des tests d'urine hebdomadaires ainsi que des alcootests et des tests d'haleine quotidiens.
Ça suffit, la tricherie.
Rhino-Choubine
16-09-2005
Bonheur électoral
Nouvelle diablement réjouissante aujourd'hui : le Parti Rhinocéros est de retour!
Enfin un discours politique pouvant se lire à l'endroit comme à l'envers et spécialement dans tous les sens parce que sans bon sens et refusant de se tenir sens dessus dessous.
Enfin l'absence de suite dans l'incohérence.
Enfin des promesses en l'air, par terre et dans le poêle à bois qui, non accomplies, feront espérer d'une mare à l'autre des lendemains qui rigolent.
Après avoir entendu entre les branches, lorsque j'habitais à Ottawa, que je n'avais pas droit au titre de Québécoise bien que née au Québec et ayant vécu au Québec les vingt-cinq premières années de mon existence, je me passerai de permission et promets solennellement d'encorner quiconque s'y opposera : la présente est une déclaration unilatérale d'appartenance au Parti Rhinocéros renouvelé.
Je m'engage dès maintenant à n'assister à aucune de ses réunions et à ne voter pour aucun de ses éventuels candidats.
Comme tout rhinocéros qui se respecte, je promets aussi de ne pas tenir mes promesses.
Choubine
Où l'on proclame la bonne nouvelle : http://www.ledevoir.com/2005/09/16/90515.html
Site sur Jacques Ferron : http://www.ecrivain.net/ferron/index.cfm?p=1_Vie/bio_details/reperes_bio(1971_1972).htm
12-09-2005
On estime que les estimations...
"Quinze jours après le passage du cyclone Katrina, les responsables des secours ont estimé hier que le bilan des morts pourrait être nettement inférieur aux premières estimations", peut-on lire dans une dépêche.
J'estime pour ma part que cette phrase n'aurait pas trop souffert d'une relecture, et je m'interroge sur ce qu'on nous présente comme "premières estimations".
Alors que la semaine dernière on avançait le chiffre de 10 000 morts, aujourd'hui on nous annonce, ah! la bonne nouvelle, que le total provisoire s'établirait à un peu moins de 400. Réjouissons-nous donc, la situation n'est pas si mauvaise après tout : l'incompétence des autorités américaines aura été moins meurtrière, dans ce cas-ci, que le terrorisme international.
Ah! l'émotivité, les petites erreurs que ça fait commettre. Au lendemain du 11 septembre 2001, si ma mémoire est fidèle, on avançait prudemment le chiffre de 6000 morts, soit le double du nombre réel de victimes; après le passage de Katrina, il semble qu'on ait multiplié par 25 - faut croire que le maire de La Nouvelle-Orléans est quelqu'un de bien impressionnable.
Cette hypersensibilité, si efficace pour préparer les esprits, ne doit pas déplaire à monsieur Bush et à ses conseillers.
Line Gingras
L'article en question : http://www.ledevoir.com/2005/09/12/90208.html
08-09-2005
"Et puis euh"
Jean Dion, chroniqueur sportif au quotidien montréalais Le Devoir, nous annonce que sa carrière prend aujourd'hui un tournant décisif : Hors-jeu est mort, longue vie à Et puis euh!
Cela vous paraît un rien étrange, comme titre d'une chronique où sont en principe relatées les prouesses des héros? Par là se trahit votre abyssale ignorance, mais il est aisé d'y remédier : suffit de cliquer sur le lien que je vous propose plus bas.
Aperçu de l'explication : "[...] avec la disparition de la ligne rouge au hockey, le temps était venu de passer à autre chose, de soulever d'impressionnants et inédits défis à bras-le-corps, bref de faire semblant ici qu'il y a du nouveau alors qu'il s'agit en fait du même vieux stock."
Décidément, si Jean Dion n'était pas si occupé à briguer le Pulitzer, il devrait faire de la politique.
lg
Là où il se publie de la grosse nouvelle : http://www.ledevoir.com/2005/09/08/89909.html
25-08-2005
Un peu de logique
Michaëlle Jean; Jean-Daniel Lafond; gouverneure générale; fonctions protocolaires; opinions politiques; avancement des minorités visibles; causes sociales.
(J'aurais voulu publier ce texte il y a quelques semaines. J'ai manqué de temps, mais le voici quand même...)
Ah! lalalala, très chers amis, on nous prend pour des idiots.
Non mais, se peut-il que certains, se peut-il qu'un seul d'entre nous décide de voter libéral, aux prochaines élections, par suite de la nomination de madame Michaëlle Jean au poste de gouverneure générale?
Elle est charmante, madame Jean, elle est belle et intelligente et tout, de fait elle montre des tonnes de qualités appréciables qu'il ne me souvient pas d'avoir vues appréciées avec autant d'enthousiasme chez beaucoup de ses prédécesseurs, mais elle ne sera pas candidate.
Vous vous en étiez aperçus aussi, j'en suis certaine.
Elle n'aura même pas les pouvoirs d'un sénateur. Son travail, n'est-ce pas ce qu'on nous a dit, ce sera en gros de lire à haute voix (ce n'est pas si facile qu'il y paraît, j'ai essayé), de couper des rubans, de remettre des prix, de passer les troupes en revue, de serrer des mains, d'aller en visite, de recevoir des visites, de faire la conversation (dans tous les domaines et avec les grands de ce monde comme avec les gens les plus simples), de suivre les avis de ses conseillers, et toujours de bien paraître, de donner une image avantageuse du Canada.
Ce n'est pas elle, c'est encore moins monsieur Lafond, qui décidera de l'emploi des sommes dont dispose le gouvernement fédéral ou qui établira la politique extérieure du Canada; ce n'est pas elle non plus, c'est encore moins monsieur Lafond, à qui l'on demandera d'empêcher le Québec de se séparer, que ce soit par des arguments solides, par des histoires de bonhomme Sept Heures, par un nouveau programme de commandites ou par la location d'autocars pour un blitz d'affection pancanadienne de dernière minute.
On nous l'a assez répété, que pendant la durée de ses fonctions, toutes protocolaires, elle ne serait guère plus qu'une marionnette. À supposer que ce soit vrai, pourquoi s'inquiéter de ses opinions politiques - passées, présentes ou à venir? Demande-t-on à un choriste s'il croit en Dieu avant de le laisser chanter le Requiem de Fauré? (Certainement pas s'il est ténor.)
Peu importe ce que nous pensons du poste de gouverneur général et de sa justification dans notre monde moderne, madame Jean a accepté cette nomination, semble-t-il, pour contribuer à l'avancement des minorités visibles et pour défendre des causes sociales qui lui tiennent à coeur. J'espère qu'elle y parviendra comme elle le souhaite, qu'elle et monsieur Lafond n'auront pas sacrifié leur liberté en vain.
Pas vous?
Line Gingras
Déclaration de madame Jean et photographie en compagnie de sa fille, Marie-Éden, et du premier ministre du Canada, Paul Martin : http://www.pm.gc.ca/fra/news.asp?id=557