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Choux de Siam
1 avril 2006

Des regards suspects

Suspect ou soupçonneux, suspicieux; suspicious; impropriété; usage; langue française.

  • Le pays était sous le choc de ces jeunes kamikazes palestiniens qui venaient se faire sauter par un après-midi ensoleillé dans un restaurant, un autobus ou un supermarché. Les habitants de Jérusalem marchaient dans les rues en jetant des regards suspects derrière eux. (Christian Rioux.)

D'après le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, suspect se dit d'une personne ou d'une chose qui éveille les soupçons, la méfiance; dont la qualité est douteuse :

Témoignage suspect. Une voiture suspecte. (Petit Robert.)

Un vin suspect. De la viande suspecte. (Lexis.)

Toute pensée non conforme devient suspecte et est aussitôt dénoncée. (Gide, dans le Petit Robert.)

Le fort [...] doit garder le fossé sud et ses abords. Toute ombre qui s'approche est suspecte. (Bordeaux, dans le Trésor.)

Un homme qui arpente les rues après dîner sous prétexte de prendre le frais, c'est suspect. On en a flanqué en prison pour moins que ça. (Aymé, dans le Trésor.)

Le choix de cet adjectif, dans la phrase à l'étude, était donc inapproprié. Au sens de «qui révèle le soupçon, la méfiance», c'est soupçonneux (ou suspicieux, que le Trésor donne toutefois pour littéraire et péjoratif) qu'il faut employer :

L'hercule lui jette un coup d'oeil soupçonneux. (Adamov, dans le Lexis.)

Mes collaborateurs commencent à me regarder d'une manière soupçonneuse, d'une manière inamicale. (Duhamel, dans le Trésor.)

Mes démêlés avec la police et l'attitude suspicieuse de mon voisinage m'avaient rendu craintif... (Aymé, dans le Trésor.)

Bien entendu, on peut utiliser aussi méfiant :

Ce petit groupe de l'hôtel de Balbec regardait d'un air méfiant chaque nouveau venu... (Proust, dans le Trésor.)

La confusion viendrait-elle de ce que l'anglais suspicious a les deux significations?

Line Gingras

«Des nouvelles de Jérusalem» : http://www.ledevoir.com/2006/03/31/105671.html?338

31 mars 2006

Mise sur pieds d'un fonds jeunesse...

Mettre sur pieds; mise sur pieds; mettre sur pied; mise sur pied; sur pieds; sur pied; orthographe d'usage.

  • Cependant, la FEUQ [Fédération étudiante universitaire du Québec] déplore que cette stratégie n'officialise pas la mise sur pieds d'un fonds jeunesse capitalisé de 240 millions. (Antoine Robitaille.)

J'en ai mis sur pied, comme traductrice, des entreprises, des programmes, des comités de toute sorte. Mais une longue habitude ne dispense pas de vérifier si l'on a raison; et ne serait-il pas admissible d'écrire mettre sur pieds aussi bien que mettre sur pied?

Les dictionnaires que j'ai sous la main, consultés à l'article «pied», ne donnent que le singulier. Le Girodet, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain attirent d'ailleurs l'attention sur cette particularité orthographique. Il fallait donc écrire :

... cette stratégie n'officialise pas la mise sur pied d'un fonds jeunesse...

Line Gingras

«Québec n'interdira pas la malbouffe» : http://www.ledevoir.com/2006/03/30/105607.html

30 mars 2006

Onze mille copies...

Copie ou exemplaire; anglicisme; usage; participe passé ou infinitif après l'auxiliaire avoir; grammaire française; syntaxe du français.

  • Onze mille copies [de ce guide pédagogique] sont mises en vente. (Kathleen Lévesque.)

Vérification faite dans les quatre ouvrages québécois que j'ai sous la main - le Multidictionnaire, le Colpron, le Dagenais et le Chouinard -, je ne rêvais pas : il faut se garder d'utiliser copie au lieu d'exemplaire, en parlant d'une publication (journal, revue, livre). Les trois premiers ouvrages donnent cet emploi pour un anglicisme.

* * * * *

Quelques paragraphes plus loin :

  • Après avoir donner quelques informations sur les dépenses du gouvernement fédéral en matière de défense...

L'auxiliaire avoir sert à former les temps composés; il n'est donc jamais suivi d'un infinitif :

Après avoir donné...

Line Gingras

«Souveraineté 101» : http://www.ledevoir.com/2006/03/29/105523.html

29 mars 2006

Qui avait démissionné qui?

Démissionner quelqu'un; démissionner, verbe transitif ou intransitif; accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir; la proposition relative explicative et la virgule; grammaire française; syntaxe du français.

  • La formation de l'ex-première ministre Ioula Timochenko s'est hissée au deuxième rang devant Notre Ukraine du président Iouchtchenko, grand perdant de ce scrutin. Conséquemment, ce dernier est condamné à négocier la confection d'une alliance avec Iouchtchenko  qu'il avait «démissionné» quelques semaines après avoir été propulsé à la présidence. (Serge Truffaut.)

Ah! la vie politique des républiques de l'ancienne URSS, que voilà un sujet compliqué; et comment se retrouver dans ses méandres lorsque l'éditorialiste s'y perd? S'il n'y avait pas tous ces noms finissant de la même façon, aussi...

Non, le président Iouchtchenko n'est pas contraint de négocier avec lui-même, mais plutôt, j'imagine, avec l'ex-première ministre, Ioula Timochenko. C'est elle qu'il a démissionnée, déjà. Cet emploi transitif d'un verbe qui d'ordinaire n'admet pas de complément d'objet direct est reçu, comme ironique, dans le Petit Robert; les guillemets ne sont donc pas indispensables. Ce qui est nécessaire, par contre, c'est la marque du féminin - le participe passé employé avec avoir s'accorde avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe - et la virgule devant le pronom relatif que (élidé en qu') introduisant une proposition relative explicative : en principe, lorsqu'on a donné le nom de la personne avec qui on négocie une alliance, cette personne est clairement identifiée, et toute précision supplémentaire est un élément accessoire, une explication.

Encore faut-il que le nom soit exact.

Line Gingras

«Le paradoxe ukrainien» : http://www.ledevoir.com/2006/03/28/105392.html

28 mars 2006

Toutes les boutiques et commerces...

Tout, accord; accord de l'adjectif indéfini tout; orthographe d'accord; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le joueur apprendra au même rythme que le personnage et, une fois toutes les boutiques et commerces d'arrière-boutique sous son contrôle, le jeune homme passera aux tâches plus sérieuses de la famille. (Bruno Guglielminetti.)

Tout, adjectif indéfini, s'accorde en genre et en nombre avec le ou les noms auxquels il se rapporte. Dans le cas présent, il s'agit de deux noms coordonnés, l'un féminin, l'autre masculin; en principe, il doit donc se mettre au masculin pluriel.

On hésite cependant à faire cet accord : le nom qui suit immédiatement est féminin et l'ordre des éléments ne saurait être inversé, pour des raisons de logique et de rythme (on préfère d'habitude, en français, placer en dernier l'élément le plus long).

Des solutions? On peut mettre l'adjectif indéfini, accompagné de l'article, devant chacun des noms coordonnés :

... une fois toutes les boutiques et tous les commerces d'arrière-boutique sous son contrôle...

On peut aussi remplacer l'adjectif indéfini par un nom collectif :

... une fois la totalité des boutiques et des commerces d'arrière-boutique sous son contrôle...

Line Gingras

«Technologie : Dans les méandres de la mafia» : http://www.ledevoir.com/2006/03/27/105309.html?338

27 mars 2006

Êtes-vous théorique?

Théorique s'appliquant à une personne; usage; langue française.

  • Le juge a été beaucoup trop théorique et n'a pas tenu compte de la réalité. (Arthur Kroeger, cité par Alec Castonguay.)

D'après les exemples que j'ai trouvés dans les dictionnaires, théorique se dit habituellement d'une chose :

Les fondements théoriques de cette recherche. (Multidictionnaire.)

Les lois théoriques ne valent que par leur usage pratique. (Taine, dans le Lexis.)

Rendement théorique d'une machine. (Petit Robert.)

Une décision toute théorique (= irréalisable, sans rapport avec la réalité). (Petit Robert.)

Une égalité théorique recouvre des inégalités de fait. (Camus, dans le Petit Robert.)

Ces bouquins à l'usage des jeunes filles chrétiennes, ces bouquins théoriques dans lesquels il n'y a rien, rien, qui, de près ou de loin, corresponde aux réalités qu'elles devront vivre. (Martin du Gard, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Tout cela, du reste, assez théorique et livresque, car cette génération [...] se fabriquait volontiers des abstractions. (Arnoux, dans le Trésor.)

J'ai relevé un exemple avec un nom désignant une personne; théorique y est employé au sens de «qui relève d'une hypothèse, qui est du domaine de la spéculation, sans rapport avec la réalité» (Trésor) :

... ceux pour qui la guerre avait été le combat contre un adversaire théorique, qu'ils n'avaient jamais vu. (Giraudoux.)

Or, tous les Canadiens le savent, le juge Gomery est bien réel. On l'a même beaucoup vu. N'empêche que dans son second rapport, de l'avis de certains :

[Il] s'est perdu dans les abstractions et n'a pas tenu compte de la réalité.

Line Gingras

«Gomery sera en partie ignoré» : http://www.ledevoir.com/2006/03/25/105282.html

26 mars 2006

Être pris en otage

En otage; comme otage; pour otage; être pris en otage; orthographe d'accord; grammaire française.

  • Les enlèvements sont monnaie courante en Irak et les Canadiens qui s'y rendent [...] ne peuvent pas ignorer qu'ils courent le risque d'être pris en otage... (Bernard Descôteaux.)

D'après les exemples que j'ai recueillis, otage (nom masculin, même lorsqu'il désigne une femme) varie toujours dans les expressions comme otage, pour otage :

Prisonniers retenus comme otages. (Petit Robert.)

Les pirates de l'air ont pris les passagers comme otages. (Lexis.)

On m'avait menacé, à cause de mon nom, d'arrêter mes parents comme otages... (Villiers de l'Isle-Adam, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Prendre des femmes pour (ou comme) otages. (Hanse et Blampain.)

Les notables sont tenus pour otages. (Barrès, dans le Trésor.)

Hanse et Blampain notent cependant, sans expliquer pourquoi, que l'expression en otage «reste invariable dans» :

Les ennemis se firent donner des villes en otage. (Académie.)

Cet exemple est également consigné dans le Trésor, qui relève aussi une phrase de Bainville (1924) :

François Ier accepta le traité de Madrid, donnant ses deux fils en otage à son ennemi.

On trouve pourtant le pluriel, dans le Petit Robert :

Journalistes gardés en otages au Proche-Orient.

Peut-être, dans les exemples de l'Académie et de Bainville, en otage est-il invariable parce que les villes et les personnes dont il s'agit respectivement sont données en garantie?

Quoi qu'il en soit, j'écrirais que les Canadiens courent le risque d'être pris en otages.

Line Gingras

«Bonnes nouvelles» : http://www.ledevoir.com/2006/03/25/105267.html

25 mars 2006

Voir être + participe passé

Voir suivi du participe passé; voir suivi de l'infinitif; voir suivi de l'infinitif ou du participe passé; voir être + participe passé.

  • Par ailleurs, Télé-Québec a vu son budget être augmenté de deux millions, tandis que la production de DVD musicaux et d'humour a été intégré au programme actuel de crédits d'impôt pour la production d'enregistrements sonores... (Louise-Maude Rioux Soucy.)

Augmenter peut s'employer comme verbe transitif (on augmente le budget; le budget est augmenté) ou comme verbe intransitif (le budget augmente). En théorie, la journaliste pouvait donc structurer la première partie de sa phrase de plusieurs façons; elle aurait pu écrire, par exemple :

... on a augmenté le budget de Télé-Québec de deux millions...
... le budget de Télé-Québec a été augmenté de deux millions...
... le budget de Télé-Québec a augmenté de deux millions...

Il était également possible, et c'est ce qu'elle a préféré, de faire de Télé-Québec le sujet de la proposition, en utilisant le verbe voir suivi de budget en fonction de complément d'objet direct; mais il fallait ensuite soit un infinitif actif ayant comme sujet implicite le complément d'objet direct (Télé-Québec a vu son budget augmenter...), soit un participe passé jouant le rôle d'attribut du complément d'objet direct (Télé-Québec a vu son budget augmenté...). Je n'emploierais pas l'auxiliaire être, superflu, dans ce genre de construction.

Les deux tours sont également admissibles et ne présentent qu'une légère nuance de sens : l'infinitif met l'accent sur le processus, le participe passé sur le résultat.

* * * * *

  • ... tandis que la production de DVD musicaux et d'humour a été intégré au programme actuel...

Bien entendu, ce n'est pas l'humour qui a été intégré, mais la production.

Line Gingras

«Culture - Québec prend le virage du patrimoine» : http://www.ledevoir.com/2006/03/24/105181.html

20 mars 2006

Dans l'espoir que

Espoir - indicatif ou subjonctif; avoir l'espoir que; dans l'espoir que + subjonctif; dans l'espoir que + indicatif; dans l'espoir que - choix du mode; grammaire française; syntaxe du français.

  • La communauté sikhe attend avec impatience le jugement de la Cour suprême dans l'espoir qu'il clarifie la situation dans tout le pays. (Brian Myles.)

On trouve parfois le subjonctif avec les expressions avoir l'espoir que, dans l'espoir que; Grevisse relève quelques exemples du genre, où ces constructions sont fortement teintées d'angoisse ou d'incertitude :

Tout rentre précipitamment au fond de la coquille, dans l'espoir qu'elle paraisse vide à l'ennemi. (Ikor.)

Avait-elle [...] l'espoir qu'on ignorât qu'elle était la fille de Swann? (Proust.)

Si j'écris ces lignes, c'est avec quelque espoir qu'elles puissent un jour tomber sous ses yeux. (Gide.)

Selon Hanse et Blampain, «[le] subjonctif ne se justifie, sans d'ailleurs s'imposer, que si l'espoir est explicitement réduit» :

Aussi avais-je le vague espoir que Christian ne m'ait pas tout à fait tenu parole. (Aragon.)

Il y a peu d'espoir qu'il vienne. (Petit Robert.)

Normalement, comme l'espoir désigne le fait d'attendre quelque chose avec confiance, ces expressions appellent l'indicatif :

J'ai le ferme espoir qu'il réussira. (Petit Robert.)

J'ai bon espoir qu'il acceptera. (Multidictionnaire.)

Dans l'espoir qu'il s'en souviendra. (Hanse-Blampain.)

... je vous aime dans l'espoir que vous m'aimerez un jour. (France, cité dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Dans la phrase qui nous occupe, il aurait donc été préférable d'employer l'indicatif :

La communauté sikhe attend avec impatience le jugement de la Cour suprême dans l'espoir qu'il clarifiera la situation dans tout le pays.

Line Gingras

«Arme ou symbole?» : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/ledevoirredir.cgi?http://www.ledevoir.com/2006/03/02/103334.html

19 mars 2006

Avoir très + participe passé

Très; adverbe très; avoir très + participe passé; emploi de très devant un participe passé; emploi de très pour modifier un verbe à la voix active; emploi de très pour modifier un verbe à un temps composé; très et beaucoup; grammaire française; syntaxe du français.

  • ... le décès de sa mère, alors qu'il avait 20 ans, l'a très marqué... (Paul Cauchon.)

On peut très bien joindre l'adverbe très à un participe passé ayant une valeur passive ou employé à la manière d'un adjectif :

Ce banquet a été très apprécié. (Multidictionnaire.)

Il est très aimé par ses parents, très surpris. (Hanse-Blampain.)

Gênes était toujours très menacé par les Piémontais. (Voltaire, cité dans le Petit Robert.)

Le grand-duc Michel [...] est très aimé dans le monde et très haï des soldats. (Hugo, cité dans le Petit Robert.)

Cependant, ainsi que le font observer le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, très ne peut pas modifier un verbe à la voix active. On utilise plutôt, dans ce cas, les adverbes fort ou beaucoup :

Nous avons beaucoup aimé ce film. (Multidictionnaire.)
J'ai beaucoup réfléchi. (Hanse-Blampain.)
Je l'ai fort apprécié. (Hanse-Blampain.)

Grevisse (Bon usage, douzième édition, paragraphe 954 a) relève quelques exemples où très se trouve devant un participe passé employé avec l'auxiliaire avoir; il juge toutefois cette construction non recommandable :

Ses obsèques m'ont très ému. (Gaxotte.)

Dans la phrase qui nous intéresse, il aurait mieux valu écrire, par conséquent :

... le décès de sa mère, alors qu'il avait 20 ans, l'a beaucoup marqué...

Ce qui pourrait donner, à la voix passive :

À vingt ans, il a été très marqué par le décès de sa mère.

Line Gingras

«À voir à la télévision le mardi 21 mars - Tout le monde le regarde» : http://www.ledevoir.com/2006/03/18/104640.html

18 mars 2006

Obsédé d'être...

Obsédé de + infinitif; complément du participe passé obsédé; grammaire française; syntaxe du français.

  • Cet autre Québec plus silencieux, méfiant des métropoles, moins conservateur que dépositaire d'un héritage collectif, aussi tolérant mais nullement obsédé d'être toujours à l'avant-garde d'un progrès qui n'est souvent qu'un effet de mode... (Denise Bombardier.)

Obsédé, employé comme nom, peut être suivi d'un substantif complément introduit par de :

C'est un obsédé de la montagne. (Lexis.)

Cette construction se rencontre quelquefois avec le participe passé :

Il est obsédé de soucis. (Hanse et Blampain.)

En général, cependant, le participe passé introduit son complément au moyen de la préposition par :

Il est obsédé par une idée fixe, par les solliciteurs. (Hanse et Blampain.)

Dès son enfance il [Byron] est obsédé par son pied bot, que ses parents lui reprochent constamment. (Mounier, cité dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Il était si obsédé par le froid qu'il parlait de voler les lampions de l'église. (Blais, citée dans le Lexis.)

Aucun des ouvrages consultés ne propose d'exemple où obsédé aurait pour complément un infinitif introduit par de; on intercale plutôt, entre le participe passé et l'infinitif, un complément d'agent exprimant l'idée ou le sentiment qui obsède, lui-même complété par l'infinitif :

Obsédé par la peur d'échouer. (Petit Robert.)

Obsédé par le désir d'avoir la plus haute note. (Multidictionnaire.)

Obsédé par la préoccupation de défendre un système politique. (Barrès, cité dans le Petit Robert.)

Il serait possible de recourir à ce procédé dans la phrase qui nous occupe :

Cet autre Québec plus silencieux [...] aussi tolérant mais nullement obsédé par le désir d'être toujours à l'avant-garde...

Cet autre Québec plus silencieux [...] aussi tolérant mais nullement obsédé par la préoccupation d'être toujours à l'avant-garde...

Je serais tentée, cependant, de choisir un adjectif pouvant être suivi d'un infinitif introduit par de :

Cet autre Québec plus silencieux [...] aussi tolérant mais nullement soucieux d'être toujours à l'avant-garde...

Sans doute y a-t-il une légère différence de sens.

Line Gingras

«Deux Québec» : http://www.ledevoir.com/2006/01/28/100752.html?338

17 mars 2006

Il vaudrait mieux de + infinitif

Il vaut mieux de + infinitif; il vaudrait mieux de + infinitif; valoir mieux de + infinitif; mieux valoir de + infinitif; valoir mieux; mieux valoir; grammaire française; syntaxe du français.

  • Peut-être vaudrait-il toutefois mieux de le dire clairement et d'adopter une résolution unanime de l'Assemblée nationale, comme le suggèrent certains constitutionnalistes. (Bernard Descôteaux.)

Le tour impersonnel il vaut mieux (ou mieux vaut), qui signifie «il est préférable», «est suivi de l'infinitif ou de la conjonction que et du subjonctif» (Multidictionnaire) :

Il vaudrait mieux __ tout reprendre de zéro. (Multidictionnaire.)
Il vaut mieux que tu viennes le rencontrer. (Multidictionnaire.)

Hanse et Blampain précisent que «l'infinitif se construit directement»; c'est ce que montrent en effet tous les exemples recueillis :

Il vaut mieux __ mourir que de traîner [...] une vieillesse insipide. (Voltaire, cité dans le Petit Robert.)

Il vaut mieux __ prendre le temps de tout organiser que de prendre le risque d'échouer. (Girodet.)

Mieux vaut __ garder le silence que de se compromettre par des paroles imprudentes. (Girodet.)

Mieux vaut __ ne pas en parler. (Malraux, cité dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Quand on veut gagner, il vaut mieux __ se mettre à dix contre un, c'est plus sûr. (Sartre, cité dans le Trésor.)

Selon l'expression populaire, mieux valait __ tenir que courir. (Joffre, cité dans le Trésor.)

La phrase à l'étude aurait dû par conséquent se lire comme suit :

Peut-être vaudrait-il toutefois mieux __ le dire clairement et __ adopter une résolution unanime de l'Assemblée nationale, comme le suggèrent certains constitutionnalistes.

Line Gingras

«50 ou 55%» : http://www.ledevoir.com/2006/03/17/104613.html?361

16 mars 2006

C'était beaucoup demandé

Demandé ou demander; c'est beaucoup demandé; c'était beaucoup demandé; c'est beaucoup demander; c'était beaucoup demander; infinitif ou participe passé; grammaire française; syntaxe du français.

  • André Boisclair a déploré que le premier ministre n'ait pas profité de l'occasion pour annoncer que le gouvernement renonçait à la vente du mont Orford. C'était beaucoup demandé. (Michel David.)

Il fallait plutôt C'était beaucoup demander, tout comme on écrirait C'était beaucoup dire, C'était beaucoup attendre, C'était beaucoup lui demander.

Line Gingras

«Perspectives - La page blanche» : http://www.ledevoir.com/2006/03/15/104409.html

15 mars 2006

La diplomatie russe, pays...

Apposition; référent; grammaire française; syntaxe du français.

  • Une chose est sûre, le propos du chef de la diplomatie russe, pays qui n'a jamais caché son empathie pour le sinistre Milosevic, a occulté l'essentiel : le procès de l'ex-dirigeant serbe n'en finissait pas de finir. (Serge Truffaut.)

Non, la diplomatie russe n'est pas un pays; on ne peut donc présenter ces deux éléments comme s'ils se trouvaient sur le même plan - comme s'ils désignaient la même réalité, le même référent -, comme s'il y avait une apposition.

Line Gingras

«Procès sans fin» : http://www.ledevoir.com/2006/03/14/104258.html

14 mars 2006

Autant ou autant que?

Autant; autant que; relation d'égalité; comparaison; grammaire française; syntaxe du français; construction de la phrase; structure de la phrase.

  • Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie,    des spécialistes de l'éducation et des parents, ne servira qu'à peu de choses si on ne prend pas le temps d'aborder le problème de front avec les intéressés eux-mêmes, les jeunes. (Bruno Guglielminetti.)

Une lecture un peu attentive le fait bien sentir, que la première moitié de cette phrase se termine en déséquilibre, comme perchée sur une patte : c'est qu'on a voulu marquer «une relation d'égalité entre deux termes de comparaison», comme l'explique le Petit Robert, mais qu'on a oublié de compléter autant par le deuxième élément de l'expression, la conjonction que.

De fait, il me semble qu'on a le choix ici entre trois tournures; les deux premières conservent l'idée d'insistance, mais ne répartissent pas de la même manière les catégories de personnes qui constituent les termes de la comparaison :

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie et des spécialistes de l'éducation que des parents...

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé autant auprès des professionnels de l'industrie que des spécialistes de l'éducation et des parents...

La troisième abandonne toute idée de comparaison ou d'insistance, et ne présente plus qu'une énumération :

Mais tout ce travail de conscientisation, réalisé        auprès des professionnels de l'industriedes spécialistes de l'éducation et des parents...

Les trois constructions se valent, mais l'éclairage est différent.

Line Gingras

«Technologie : L'outrage numérisé» : http://www.ledevoir.com/2006/03/13/104185.html

13 mars 2006

Les Canadiens appuyeront la mission des soldats?

Appuyer; verbe appuyer; conjugaison du verbe appuyer; orthographe; grammaire française.

  • M. Harper a dit aux soldats de ne pas se préoccuper des sondages d'opinion, parce que les Canadiens appuyeront leur mission une fois qu'ils seront mieux informés de ses objectifs... (Alexander Panetta, Presse Canadienne.)

Ainsi que le fait observer Marie-Éva de Villers à l'article «appuyer», «le y se change en i devant un e muet» (c'est confirmé par le tableau de conjugaison <8 a> du Petit Robert) :

... les Canadiens appuieront leur mission...

C'est à voir.

Line Gingras

«Visite surprise de Stephen Harper en Afghanistan» : http://www.cyberpresse.ca/article/20060312/CPMONDE/60312046/5032/CPACTUALITES

11 mars 2006

Amender une loi

Amender une loi; modifier une loi; amender un projet de loi; amender ou modifier; usage.

  • Il faut ajouter à cette liste l'inique loi des mines que Québec avait amendée en 1964 pour empêcher toute poursuite contre la Noranda par les citoyens de la région de Rouyn aux prises avec des fumées acides et toxiques. (Louis-Gilles Francoeur.)

À tout jeune traducteur on apprend, au Canada, qu'on amende un projet de loi, mais qu'on modifie une loi - c'est d'ailleurs ce que fait observer Marie-Éva de Villers. Je lis également, dans le Dagenais : «On amende un projet de loi avant qu'il soit adopté [...] Une fois ce texte adopté, devenu loi, on ne peut plus l'amender. On le modifie par une nouvelle loi...» Enfin, à l'article «amender», le Petit Robert ne propose qu'un exemple relevant du domaine de la politique :

Amender un projet, une proposition de loi.

*****

Un mot, en terminant, sur les pollu-touristes qui font leur apparition dans l'article de monsieur Francoeur. M'est-il permis de souhaiter que cette création, peu élégante à mon avis, ne vienne pas encombrer (je serais tentée d'écrire polluer) inutilement notre vocabulaire? Ne peut-on continuer à parler de touristes pollueurs?

Line Gingras

«Suspendre les droits civils au profit des pollu-touristes» : http://www.ledevoir.com/2006/03/10/104027.html?338

10 mars 2006

L'apposition et la virgule

Apposition détachée; virgule; ponctuation; grammaire française; syntaxe du français.

  • Le cardinal de Montréal   Jean-Claude Turcotte   s'est porté à la défense de l'Église hier en lançant un appel au dialogue et à la réflexion aux 19 prêtres dissidents qui ont récemment signé une lettre dénonçant la position du Vatican sur l'homosexualité au sein du clergé. (Alexandre Shields.)

On écrirait, au début d'un article, que le cardinal Jean-Claude Turcotte s'est porté à la défense de l'Église..., sans utiliser de virgules : le cardinal et Jean-Claude Turcotte sont bien une seule et même personne - et la juxtaposition de ces deux termes constitue donc une apposition -, mais, comme il y a plus d'un cardinal et que le contexte n'est pas encore établi, le nom propre apporte une précision essentielle au sens de la phrase.

Cependant, une seule personne possède le titre de cardinal de Montréal; lorsqu'on emploie cette expression, l'indication du nom de l'intéressé est une précision utile, mais accessoire. En pareil cas, l'apposition est dite détachée, et doit être mise entre virgules :

Le cardinal de Montréal, Jean-Claude Turcotte, s'est porté à la défense de l'Église...

Line Gingras

«Homosexualité : Mgr Turcotte veut discuter avec les prêtres dissidents» : http://www.ledevoir.com/2006/03/10/104053.html

9 mars 2006

Suffi, suffit

Suffi, suffit; il a suffi; il suffit; participe passé du verbe suffire; orthographe; tableaux des conjugaisons; dictionnaire; grammaire française.

  • ... les milliards n'ont pas suffit à réduire les listes d'attente (PC).

Le participe passé du verbe suffire n'a pas la même forme que la troisième personne du présent de l'indicatif ou du passé simple :

À chaque jour suffit sa peine.
Il ne leur a pas suffi d'exporter du coton, du cuivre. (Siegfried.)

À propos, saviez-vous que l'on trouve les tableaux des conjugaisons dans les dernières pages du Petit Robert? et qu'au début de l'article consacré à un verbe, un chiffre renvoie au tableau approprié? Ainsi, à l'article «suffire», à côté de la prononciation figurée et de la mention «v. tr. ind.» (pour verbe transitif indirect), on lit <37>. C'est le numéro du tableau de conjugaison. Enfin, ça l'est et ça ne l'est pas - parce que le numéro exact, c'est <37 b>.

Pourquoi, pourquoi ne pas ajouter cette précision?

Line Gingras

«Hôpitaux : les milliards n'ont pas suffit [sic] à réduire les listes d'attente» : http://www.ledevoir.com/2006/03/08/103850.html

5 mars 2006

Les manifestations n'ont rien de spontanées

Rien de - accord de l'adjectif; n'avoir rien de - accord de l'adjectif; orthographe d'accord; grammaire française; syntaxe du français.

  • Les manifestations contre le passage de David Emerson chez les conservateurs n'ont rien de spontanées. (Alec Castonguay.)

Au paragraphe 731 du Bon usage (douzième édition), on peut lire que rien «est un pronom nominal s'appliquant aux choses; les mots qui s'accordent avec lui sont du masculin singulier (genre et nombre indifférenciés représentant le neutre en fr.)».

Il semble donc naturel de faire l'accord au masculin singulier dans les phrases suivantes :

La maison n'a rien de luxueux mais elle est confortable. (Petit Robert.)

Ma vie présente n'a rien de très brillant. (Sartre, cité dans la Grammaire du français classique et moderne de Wagner et Pinchon.)

Cependant, l'expression n'avoir rien de signifie n'être pas du tout (Petit Robert), et certains auteurs voient en conséquence dans l'adjectif qui suit un attribut du sujet :

... le fascisme et l'antifascisme, dont la lutte, elle, n'avait rien d'abusive. (R. Ikor.)

C'est Grevisse qui signale cet exemple, mais il ne donne pas cet accord pour régulier. Le journaliste aurait mieux fait d'écrire :

Les manifestations contre le passage de David Emerson chez les conservateurs n'ont rien de spontané.

Line Gingras

«Perspectives - Le test du courage» : http://www.ledevoir.com/2006/02/15/102111.html?338

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