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Choux de Siam
6 juin 2006

Si je pardonne à Jean Dion?

Jean Dion, journaliste et chroniqueur au Devoir; la langue de Jean Dion.

Puriste comme je suis, toujours le nez dans les dictionnaires, ayant laissé dans mon dernier champ de fraises, il y a longtemps, les enthousiasmes puérils de ma verte jeunesse, je devrais l'avoir à l'oeil et au mauvais, le fameux chroniqueur du Devoir.

Par son «ton familier et populaire», ses «écarts de langage», son utilisation de la «langue couramment parlée, qui inclut des emplois critiqués», il devrait m'agacer et pas rien qu'un peu, même si nous vivons à une époque éclairée où «les gens [...] regardent le contexte avant de porter un jugement».

Mais on ne trouve pas que des tournures familières ou propres à la langue parlée, chez notre chroniqueur. Incitée à lire Jean Dion par des amis traducteurs (plus âgés que moi, comme c'est étrange), j'ai été séduite par la fantaisie et l'apparente spontanéité de son style, oui. Cependant, une lecture plutôt attentive de tous ses articles des quatre dernières années m'a surtout fait apprécier son habileté à jouer, dans un même texte, des différents niveaux de langue - comme un musicien sait exprimer les nuances les plus délicates d'une partition.

Ce qui me fait aimer les écrits de Jean Dion, ce sont, entre autres, ces expressions de ma grand-mère qu'il reprend parfois : briser son linge, jouer avec son manger. Ce sont les mots qu'il invente; ses parenthèses interminables, dont je serais étonnée qu'elles ne constituent pas un record du monde. C'est l'autodérision. C'est la cocasserie des images et des rapprochements. C'est l'heureux et surprenant amalgame d'un tour recherché, voire très ancien, et d'une expression régionale ou familière, très moderne à l'occasion. Ce sont les phrases bien frappées, souvent d'une rare élégance. C'est la diversité des registres. C'est la virtuosité avec laquelle il tire parti de toutes les ressources du français.

J'y relève peu de fautes; peu de maladresses, aussi.

Mais contrairement à l'ensemble des lecteurs du Devoir, à ce qu'il paraît, je ne pardonne pas à Jean Dion ses «écarts de langage»; je ne les tolère pas non plus. Tant d'imagination pour un seul homme, je tiens que c'est du gaspillage, de la mauvaise gestion des ressources spirituelles, un total mépris des règles de la discrimination positive, et du favoritisme éhonté.

Révoltant.

Line Gingras

«La langue de Jean Dion décortiquée» : http://www.ledevoir.com/2006/06/05/110851.html
Articles de Jean Dion (presque quotidiens pendant la Coupe du monde) : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/recherche?Auteur=1595&CacheId=Aut1595

Commentaires
Y
Hm, il me semble que «dans *ma* Ford intérieure» serait du meilleur «français» :)
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C
Voilà! Ça explique tout.
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D
J'ai dû prendre cette expression à San Antonio plutôt, il a fait partie de mes lectures d'adolescent.
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C
Ah! mais en fait c'était moi, l'auteure du commentaire en question! J'ai vraiment cru, alors, que tu lisais Jean Dion, même s'il écrit plutôt «dans mon Ford intérieur». Enfin..., l'expression est tellement connue qu'elle a été reprise, au Québec, par quantité d'admirateurs, et que lui-même, après avoir utilisé des variantes - fort, phare, fard, fart - s'est rabattu sur les Chevrolet, Cadillac... La prochaine fois, nous aurons peut-être tout autre chose, comme «farfadet» ou «faramineux»! Mais n'importe quel mot ferait l'affaire, au point où nous en sommes.
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C
C'est, selon toute probabilité, un énorme compliment! Et ça semblerait montrer que le style de Jean Dion ne se réduit pas à des écarts par rapport à la norme linguistique, à l'utilisation d'un langage parlé ressortissant au québécois familier.<br /> <br /> Mais... aurais-tu un exemple? (Attends que je m'essaie à deviner : s'agirait-il de certains passages de la correspondance avec Jean-Claude?)
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